Voilà de nouveau un excellent ouvrage que nous proposent les toutes récentes éditions Passés composés que nous suivons de près depuis leur début. Ici, c’est un ouvrage de Fanny Chassain-Pichon qui nous est proposé, intitulé De Wagner à Hitler, portrait en miroir d’une histoire allemande.

Docteur en histoire contemporaine de Paris IV Sorbonne, Fanny Chassain-Pichon a travaillé au mémorial de la Shoah avant de rejoindre l’association Yahad-In Unum du père Patrick Desbois en tant que chercheuse, puis l’université Paris Sciences et Lettres. Elle est actuellement responsable éditoriale du programme Game In lab de l’Innovation Factory.

C’est donc un ouvrage consacré à Hitler et Wagner qu’elle nous propose, nous annonçant dès la préface qu’il existe déjà une bibliothèque abondante sur le sujet. Fanny Chassain-Pichon part d’une évidence relevée par tous biographes, celle qu’Adolf Hitler a pris depuis l’adolescence Richard Wagner comme modèle. Elle interroge ensuite avec brio la relation d’Hitler avec le compositeur, montrant autour d’extraits de Mein Kampf l’influence qu’ont pu avoir les écrits de Wagner (notamment le judaïsme dans la musique) sur lui, ses idées, mais aussi son discours politique et culturel. On apprend même que Winifred Wagner, belle fille de Wagner envoya à Hitler le papier nécessaire pour écrire Mein Kampf lorsqu’il était emprisonné à Landsberg en 1924.

Car si Wagner est célébré pour le génie de sa musique, il est également l’auteur de textes en prose profondément antisémites, rassemblés dans ses Oeuvres complètes. Or ces essais eurent un puissant impact, tout comme l’esthétique de ses opéras, sur Adolf Hitler. Né six ans après la mort du compositeur, il avait pris, depuis l’adolescence, l’auteur de L’anneau du Nibelung pour modèle.

Pour mieux cerner la place du compositeur dans l’idéologie nazie et la pensée du Führer, et dans le sillage des analyses selon lesquelles l’histoire allemande a pris "un chemin particulier" entre 1850 et 1950 au sein de la modernité occidentale, Fanny Chassain-Pichon croise le parcours des deux hommes. Elle montre comment chaque période de la vie de Wagner a pu être, à l’âge équivalent, une inspiration pour Hitler, et ce jusque dans la mise en scène de sa propre mort. On comprend ainsi comment la passion esthétique d’Hitler, née à la source wagnérienne, eut une influence considérable sur l’idéologie du IIIème Reich.

Fanny Chassain-Pichon a donc rédigé en parallèle la vie de Wagner et d’Hitler. Elle dégage à chaque fois les périodes importantes de l’existence des deux personnages en montrant les ressemblances et les liens qui existent entre les deux. Les points communs entre Hitler et Wagner ne se limitent pas à leur antisémitisme. L’auteure nous montre que chacun a été marqué par un évènement important qui a eu des conséquences sur leur vie. Wagner a eu du mal à accepter l’échec de la révolution de 1848 quand Hitler ne digéra jamais la défaite allemande de 1918.

J’ai particulièrement aimé la partie consacrée à la genèse de Mein Kampf et appris beaucoup de choses sur Wagner, personnage que je connaissais peu au final. J’ai aussi appris de nombreuses choses concernant les relations entre Nietzsche et Wagner mais aussi celle entre Hitler et la famille et les proches de Wagner. Et enfin, l’ouvrage nous montre (on ne découvre rien sur le sujet) le profond antisémitisme de Wagner, ce qui n’enlève rien au génie musical de l’artiste.

Alors voilà j’ai beaucoup aimé cet ouvrage de Fanny Chassain-Pichon, particulièrement intéressant et superbement écrit qui nous dévoile une histoire politique de l’Allemagne et de l’antisémitisme (de la fin 19ème siècle début 20ème) sous un prisme particulièrement original.

J’ai eu la chance aussi de pouvoir m’entretenir avec l’auteure pour discuter de son ouvrage que je vous invite fortement à lire.