Joli couverture. Titre curieux "Poisson-chien". Je connaissais le poisson-chat mais pas le poisson-chien. Esprit trop cartésien. Je suis allée compulser le dictionnaire. Le poisson-chien existe bel et bien. J'ai ouvert le livre : deux citations en exergue. Une de James Ensor peintre expressionniste obsédé par le thème du masque mortifère, l'autre de Jackson Pollock l'apôtre du dripping.
Puis un dessin et le premier chapitre qui porte le numéro 109. Curieux. Je tourne fébrilement les pages et je constate que la numérotation des chapitres est en ordre décroissant. Je me dis qu'il doit s'agir d'un roman à lire à la japonaise, comme un manga. Non, ce serait indiqué dans la 4ème de couverture. Rien. Je vais au bout du roman et le dernier chapitre porte numéro 0. Artifice formel. Je suis revenue vers une lecture classique. Pas convaincue. Les chapitres tournent, je pense à la citation de Pollock et je suis revenue à mon premier mouvement. J'ai donc lu le livre à l'envers. Puis à l'endroit. Et finalement on peut le commencer où on veut. Puisque si la linéarité narrative demeure, il ne suit aucune des conventions du genre.
Bref ce roman de Laurent Rivelaygues, à supposer que ce terme soit approprié, qui résulte du collage des narrations et des styles propres à chaque héros de la vie pas ordinaire, échappe à toute tentative de classification tant au fond qu'en la forme. Le mieux serait sans doute de le comparer à un kaléidoscope surréaliste qui, à chaque tour, vous fait zapper dans un nouveau monde fantasmagorique peuplé de zombies aux noms révélateurs, en forme de galéjades potaches qui mènent vers un jouissif jeu de piste comme le serial killer Mors Mortis, la galeriste nymphomane Avina Dineros, le grand pourvoyeur universel Gill Bates, l'employé de la morgue Billy Bones ou le docteur Frankstein.
Une sorte de ronde à la Schnitzler, qui se déroulerait sur le mode des comics, avec une galerie de personnages délirants, hype et psychotiques dont les péripéties à la fois gore et hilarantes, poétiques et trash sont déclinées d'une plume vive, alerte, délurée et jubilatoire complètement contemporaine.
Le "Poisson-chien" ne ressemble à aucun autre. Une bizarrerie qui se révèle un petit bijou. "Le beau est toujours bizarre". |