Réalisé par Adrian Sitaru. Roumanie/France. Drame. 1h39 (Sortie le 22 mars 2017). Avec Tudor Aaron Istodor, Mehdi Nebbou, Nicolas Wanczycki, Diana Spatarescue et Adrian Titieni.
Son précédent film, "Illégitime", était un quasi huis-clos abordant de façon aussi surprenante que provocatrice un sujet tabou, l'amour charnel entre frère et sœur.
Cette fois-ci, Adrian Sitaru a choisi la forme apparente d'un "road-movie" psychologique. Son personnage principal est un journaliste qui sert de "fixeur" à des homologues français.
Trouvant un sujet dont ils sont demandeurs, il les accompagne pour faciliter leur reportage, leur servir de traducteur pour rencontrer les témoins. Si leur entreprise réussi, il compte bien en tirer un profit aussi symbolique que financier.
Ayant vendu à ses amis français une interview d'une jeune roumaine forcée par un réseau à se prostituer sur les trottoirs parisiens, qui a dénoncé son souteneur et qui a été rapatriée en Roumanie où elle est théoriquement au secret, le voilà obligé de la traquer et de lui arracher coûte que coûte son témoignage.
Contraint d'épouser le cynisme occidental pour réussir ce scoop, confronté aux us corrompus de son pays pour y parvenir, Radu n'est pas très à l'aise dans ce rôle de fixeur, prix élevé - celui de son honneur ? - pour acquérir un statut de journaliste établi, loin de la précarité générale.
Prétexte à décrire de vrais personnages, à parcourir une Roumanie profonde loin des clichés germaniques compassionnels de "Toni Erdmann" de Maren Ade, "Fixeur" d'Adrian Sitaru est un film dense qui confirme que ce réalisateur est au moins au niveau des "grands" auteurs roumains, comme Cristi Piu, Cristian Mungiu ou Corneliu Porombiu.
Il sait, par exemple, parfaitement gérer la tension sous-jacente à son suspense : Radu réussira-t-il à convaincre la jeune fille de parler, trouvera-t-il le bon dispositif pour la faire parler ?
Peu à peu, obsédé par sa quête, n'est-il pas lui aussi obligé par ses "amis" français de "se prostituer", de dévoyer sa conception du journalisme pour n'être plus qu'un rouage de l'information en continu, cette information kleenex qui ne se soucie pas des conséquences de ses agissements ?
En tout cas, comme dans "Illégitime", on soulignera la qualité de la direction d'acteurs. "Fixeur" d'Adrian Sitaru permet de découvrir un acteur français qui mériterait de jouer autre chose que les utilités dans le cinéma hexagonal, Mehdi Nebbou ; il met surtout en évidence la puissance du jeu de Tudor Aaaron Istodor qui porte le film et fait de Radu un observateur plus qu'ambigu de la réalité roumaine.
Encore une fois, on peut aller de confiance voir en "Fixeur" d'Adrian Sitaru une preuve de la grande vitalité du cinéma roumain. |