Spectacle de Marie Ndiaye, mis en scène par Frédéric Bélier-Garcia avec Nicole Garcia.

Dans le hall de son immeuble, elle rentre des courses, s'arrête le temps de ramasser son courrier puis se retourne et interpelle des ombres qu'elle ne distingue pas mais qu'elle imagine sur son palier au dessus.

Elle s'adresse à eux avec des mots durs. Ce sont des parents d'élèves. Elle sait qu'ils sont venus lui demander des comptes pour leur enfant disparue, leur fille Daniella qui s'est suicidée.

Alors, ne cessant de parler d'elle, la professeure de français revoit son enfance à Oran puis ses débuts d'enseignante à Marseille. Et enfin Royan où elle est aujourd'hui.

Marie Ndiaye a écrit pour Nicole Garcia ce monologue époustouflant où dans sa langue ciselée et percutante, elle offre une partition de premier ordre à la comédienne.

Finement dirigée par son fils Frédéric Bélier-Garcia qui a déjà monté plusieurs textes de Marie Ndiaye (dont l'excellent "Honneur à notre élue" il y a quelques années), la comédienne fait étalage de tout son métier dans ce seule-en-scène où elle se révèle impériale.

Utilisant chaque recoin du plateau dans la scénographie élégante de Jacques Gabel, Nicole Garcia irradie dans cette femme poussée à bout qui jette le masque avec sincérité. Elle varie tous les registres de jeu pour dérouler ce monologue étincelant en perpétuelle évolution.

Tandis qu'elle se raconte avec autodérision, le vernis craque dans le personnage qu'elle s'est composé. Les fêlures et les manques apparaissent peu à peu dans l'image d'elle-même que lui renvoyait les confidences de l'adolescente harcelée. Celle qui avait su voir en elle qui elle était vraiment.

Dans une prise de conscience éprouvante traversée de sentiments contradictoires, elle avoue sa lâcheté, sa peur des élèves qu'elle voyait comme des fauves auxquels la présence de Daniella l'empêchait d'être livrée.

Un monologue puissant sur l'éducation. Un grand moment de théâtre. Un régal.