Je me suis réveillée et il était là. Arpentant mon salon de long en large, le cheveu hirsute et la guitare à la main. "Ah enfin" me lance-t-il quand il me vit. Sans préambule, il pince une première corde, des volutes s’échappent de son instrument, enveloppent mon paysage de brume élégiaque. Il se passe un truc que je ne saisis pas tout de suite. Je me laisse emporter.
Andy Cartwright est guitariste. Et son alter ego musicien Seabuckthorn est dans mon salon les matins compliqués (les autres aussi d’ailleurs). Son neuvième album A house with too much fire est un charmant trip entre les oies d’Olgerson et la cape de SuperMec en collants bleus. Aérien et fichtrement planant, les dix titres instrumentaux laissent libre court à une découverte sensorielle qu’envieraient presque les brouteurs de quinoa, s’ils ne s’essayaient pas au véganisme.
Sur une base de guitares, banjo et clarinettes, Seabuckthorn altère la profondeur des sonorités et manipule les échos des ondes afin d’y puiser une atmosphère mystérieuse et onirique. Les percussions et les synthés augmentent le champ des amplitudes possibles, créant là un univers complet de rocaille et de lumière.
Lui a conçu A house with too much fire au pied des paysages escarpés des Alpes du Sud, à la fois bruts et sauvages. La majesté de la nature se déroule au fil des morceaux en de graciles mélodies, développant d’un même ton la fragilité de l’instant, passé à contempler l’apparente immortalité des massifs constitués depuis belle lurette.
La géologie n’est pas qu’une observation de vulgaires tas de cailloux, elle est également une science du passé, visant à reconstituer des siècles de culture inconnus. Si proche dans l’espace et si éloigné dans le temps, Seabuckthorn a bien saisi cet ultime paradoxe et l’a traduit en sons dilatés et insaisissables dans cet album instrumental à la fois minimaliste et riche d’émotions.
En route pour une chevauchée sidérale, partons pour les galaxies, cueillir des fleurs étoilées dans les nocturnes prairies… Laissez-vous traverser par des visions d’ailleurs, des envies d’authenticité et de sincérité sans colère. Le tout est apaisant, et c’est affranchi de préjugés que vous renoncerez aux doutes ultimes pour succomber enfin à la contemplation hypnotique de détails significatifs. En fin gourmet, vous accompagnerez évidemment le tout d’une dizaine de rondelles de mets d’épicurien averti. |