Tout jeune homme timide,
Johan Duncanson, tête pensante de
The Radio Dept. est venu à Paris pour défendre
son premier album Lesser Matters,
paru en août 2004 chez XL Recordings.
Fier et modeste, il nous a parlé avec un large sourire
de son disque, de la Suède et de son avenir.
Musicalement, d'ou vient The Radio
Dept. ?
Johan :Et bien nous écoutions de l'indé
pop-folk depuis longtemps. Quand j'avais 14 ou 15 ans j'écoutais
beaucoup de pop anglaise comme Blur. Il se trouve que maintenant
ce n'est plus vraiment mon truc, mais c'est vraiment ce par quoi
j'ai commencé et Martin écoutait des trucs genre Dinosaur
Jr.
Et ensuite, en 1996, je crois, nous avons découvert
des choses comme My Bloody Valentine, Arab Strap et cette musique
a eu une grosse influence sur nous.
Et vous avez eu envie de faire la même chose
?
Johan : Non, pas la même chose mais c'est
ce qui nous a le plus influencé sans doute et nous voulions
faire quelque chose de proche dans l'esprit. Il faut dire aussi
que nous voulions faire notre musique à nous dans notre coin,
sans personne qui nous commande. Nous avons eu des offres de gros
labels suédois que nous avons refusé. Même si
ce n'était pas toujours facile de trouver des sous, nous
avions des boulot à temps plein.
Oui mais maintenant vous êtes tout de même
sur XL Recordings qui est loin d'être un petit label....
Johan : Oui c'est vrai mais on est toujours très
indépendant, et en Suède nous sommes toujours sur
notre petit label qui s'appelle Labrador. Mais c'est une bonne chose
d'être sur XL car c'est un des derniers véritables
gros label Indépendant.
Le groupe est né à quelle époque
?
Johan : En 1995, je l'ai créé avec
une fille qui d'ailleurs a peint la pochette de ce disque et qui
n'est plus dans le groupe désormais même si elle chante
sur un morceau de l'album. Ensuite en 1998 quand j'ai rencontré
Martin nous avons gardé le même nom mais le groupe
n'est plus vraiment comme il était à ses débuts.
Je crois savoir que au début, il y avait
un concept autour de ce groupe, une idée de pluralité
...
Johan : En effet, il y avait de la musique mais
nous avons essayé de faire des films, d'autres personnes
écrivaient, mais nous étions encore très jeunes
et absolument pas organisés et c'était vraiment difficile
de faire vivre ce collectif.
Maintenant Radio Dept. est devenu un groupe de
musique exclusivement ?
Johan : Hummmm pas exactement, car nous essayons
toujours de garder le contrôle de tout. Ce qui implique aussi
que nous nous impliquons dans la réalisation des vidéos,
dans la réalisation de la pochette du disque etc...
Vous avez donc choisi cette pochette
Johan : C'est la même qu'en Suède,
ce qui est vraiment bien, la seule différence étant
que dans cette version il y a les paroles car dans la version suédoise,
pour des questions de budget nous avons sorti le disque en digipack.
Mais tellement de gens nous envoient des emails pour nous demander
les paroles que nous avons souhaité les mettre dans le livret
cette fois ci.
En 2001, Lisa et Peter ont rejoint le groupe,
c'est la forme définitive du groupe maintenant ?
Johan : En fait, Lisa n'est plus dans le groupe
car il se trouve que c'était la petite amie de Martin et
qu'ils se sont séparés, ce qui posait des problèmes
évidents au sein du groupe alors Lisa est partie et nous
avons un nouveau bassiste. En ce qui concerne Peter, il n'est plus
dans le groupe non plus car c'est un batteur et nous avons décidé
de ne plus utiliser de batteries désormais mais seulement
des boites à rythmes. Nous avons par contre 2 nouveaux membres,
qui sont Daniel qui joue du clavier et Kim, la nouvelle bassiste.
Par qui l'album a été enregistré
? L'ancien groupe ou le nouveau ?
Johan : Avec l'ancien, le nouveau c'est pour les
prestations à venir. Mais en fait la plus grande partie de
ce disque a été faite seulement par Martin et moi.
Concernant l'album justement, si on retrouve l'influence
shoegazer de Slowdive ou My Bloody Valentine, les morceaux restent
assez pop derrière ces bruits de guitares... comment ce disque
a-t-il été construit ?
Johan : En fait il y a une histoire derrière
cela. Je faisait parti d'un autre groupe, en 1997, donc parallèlement
à Radio Dept. Je n'aimais pas ce groupe si ce n'est qu'un
jour, le producteur avait éteint toutes les pistes son sauf
une, celle de la guitare et cela faisait un bruit genre "KRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRR"
et j'ai trouvé ça formidable et c'est là que
j'ai réécouté My Bloody Valentine, notamment
"Loveless" et je me suis dit que je voulais faire quelque
chose avec ce genre de son. En revanche il y a encore un an, avant
que l'on nous compare à eux, je ne connaissais pas Slowdive.
Sur "Against the Tide" il y est un riff
de basse qui fait forcément penser à New Order. Vous
connaissez ce groupe ?
Johan : Oui c'est vrai, je l'ai découvert
il n'y a pas très longtemps et je l'ai beaucoup écouté.
Autre chose que nous écoutons beaucoup c'est tout ce qui
vient de la scène Lofi. Parce que nous enregistrons chez
nous, sans aller en studio, sans producteur etc... et nous nous
inspirons donc de ce qui se fait dans le lofi.
L'album a donc été enregistré
dans un petit studio chez toi ?
Johan : Il a été enregistré
dans mon petit appartement, sur un PC de base tout simplement. C'est
super de faire comme cela car on peut se permettre de tout faire,
on change tout ce que l'on veut quand on veut sans que cela coûte
de l'argent.
C'est aussi pour cela que vous vous êtes
débarrassé du batteur ?
Johan : Pas vraiment, c'est vrai qu'il y aurait
eu un problème de place pour la batterie, en plus on travaille
sur les morceaux essentiellement la nuit alors ... (rires). Cela
étant on avait enregistré de la batterie ailleurs
que chez moi avec un petit enregistreur et ensuite on l'avait mis
sur le PC en overdub sur les autres pistes.
Et en live, pas de batterie non plus ?
Johan : Non non, une boite à rythmes seulement,
les gens sont parfois surpris mais ensuite ils trouvent cela bien,
à part quelques uns qui parfois nous disent qu'on devrait
prendre un batteur (rires).
Pour revenir au label comment êtes vous
passé de Labrador à XL Recordings ?
Johan : On avait entendu dire que XL s'intéressait
à nous et il se trouve que l'on adore The Avalanches, qui
sont sur XL, alors on à bien entendu accepter. Pour autant
nous ne sommes pas fan de Rock comme les White Stripes et autres.
A vrai dire je ne comprend pas pourquoi on peut aimer le rock. Mais
XL est un label intelligent, qui aime la musique et qui fait les
choses pour les bonnes raisons. Cela n'a rien a voir avec Sony ou
Universal.
Avez vous eu un bon accueil dans votre pays ?
Et comment se porte la scène indépendante en Suède
?
Johan : L'album est sorti il y a longtemps en Suède
(1 an et demi, vers février 2003) et même si nous n'avons
pas vendu des tas de disques nous avons un groupe de fans assez
important. Quant à la scène indépendante c'est
un peu comme en France, il y a un public indépendant assez
pointu mais rare, contrairement à l'Angleterre par exemple
ou les gens ont peut être moins de barrière, d'a priori.
Par exemple, il y a notamment un artiste en Suède qui vient
de la scène indé (ndlr : désolé de ne
pouvoir traduire le nom...) et que le public indé ne veut
plus écouter car il a pas mal de succès et ce n'est
plus assez indépendant à leur goût. C'est une
forme de snobisme.
Toujours a propos de la Suède, ce n'est
pas trop difficile de faire un groupe pop-rock après Abba
?
(rires)
Johan : Non pas du tout, en fait Abba n'est pas
vraiment culte en Suède, c'est plutôt dans les autres
pays que le groupe a une telle importance notamment en Angleterre
ou les gens adorent. Mais en Suède, nos influences viennent
plutôt de l'étranger.
Revenons au disque, comment se passe les compositions,
tout est il créé a partir du PC ?
Johan : Non en fait, je compose les bases à
partir d'une guitare acoustique tout simplement. J'écris
aussi les textes et ensuite quand j'ai à peu prêt une
chanson je la propose à Martin et nous commençons
à travailler ensemble dessus. En général je
commence par la musique, mais pour moi les textes sont très
importants pour moi. C'est même assez difficile parfois de
réécouter ce que j'ai écrit. Mais ce n'est
pas toujours des choses très personnelles pour autant.
Il y a aussi des chansons dont les paroles n'ont
pas d'importance au départ. Par exemple Ewan, au départ
j'avais mis n'importe quoi comme paroles juste pour me rappeler
la mélodie et donc je chantais à chaque fois n'importe
quoi et je m'étais mis a détester cette chanson et
je ne voulais pas la mettre sur le disque. Et puis j'ai écrit
de nouvelles paroles pour cette chanson et je l'ai fait écouter
à des gens qui ne connaissaient pas la version précédente
et elle a été plutôt bien reçue.
Ça prouve définitivement que les
paroles ont une grande importance dans la musique. Parfois même
Martin me demande de changer tel ou tel passage des textes parce
que il veut lui aussi pouvoir se retrouver dans les chansons.
Tu écris toujours en anglais ou parfois
aussi en suédois ?
Johan : En fait au début j'écrivais
dans les deux langues, un peu de chaque mais petit à petit
je suis resté à l'anglais. Il faut dire aussi que
mon père est écossais et que j'ai beaucoup écouté,
plus jeune, des groupes de là-bas donc la langue anglaise
est assez naturelle. En tout cas ce n'est pas lié a une volonté
d'envahir le marché international (rires).
Est ce les références récurrentes
qui sont faites à votre sujet vous agacent ?
Johan : Non je suis assez d'accord et je comprend
qu'il faille comparer pour situer un groupe dans le paysage musical
mais ce qui est parfois agaçant c'est que les gens n'écoutent
pas le disque en entier et ils se contentent de parler de références
à propos du 1er morceau, mais il ne parle jamais d'autres
influences, comme par exemple Pet shop boys. En tout cas nous on
aimerait créer quelque chose à nous de personnel.
Cet album est sorti il y a donc 1 an et demi maintenant,
avez vous depuis travaillé sur de nouvelles chansons ?
Johan : Tout à fait, nous avons un autre
album presque prêt mais bien entendu, comme celui ci va sortir
chez XL dans toute l'Europe on ne peut pas sortir le nouveau tout
de suite, alors ce sera probablement aux alentours du printemps
2005.
Qu'est ce qui tourne sur ta platine en ce moment
?
Johan : Je viens d'acheter une compilation de New
Order que j'écoute sans arrêt , et Stereolab aussi.
Comment sonnera le prochain album ?
Johan : Et bien un peu moins Lofi que celui ci
même s’il est toujours enregistré chez moi sur
mon PC. C'est ce que j'aime faire. je veux garder le contrôle
de tout donc je ne préfère pas aller en studio. Je
reste dans mon petit appartement de 1 pièce avec mon ordinateur.
Si tu devais résumer ta musique en 3 mots
quels seraient ils ?
Johan : Mélancolie, espoir, mélodie...
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