Comédie dramatique écrite et mise en scène par Julie Timmerman, avec Anne Cressent, Mathieu Desfemmes, Alice Le Strat et Jean-Baptiste Verquin.
Avec "Un Démocrate", Julie Timmerman a fait l'unanimité. Son écriture simple et précise, relayée par une mise en scène efficace, a permis de redonner vie à un être hors du commun, Edward Bernays, l'inventeur de la propagande.
Quand on a appris que son nouveau spectacle avait pour personnage central, une jeune femme, fille unique d'un couple de comédiens dont le père est bipolaire, on s'est d'emblée demandé si son théâtre aurait le même intérêt et le même rayonnement en s'intéressant à des existences plus quotidiennes et en passant, nécessairement, à quelque chose de plus psychologique, puisque l'état de son père va avoir sur Zoé une influence néfaste et lui faire perdre beaucoup d'assurance et de sérénité pour devenir une adulte.
0n pourra très vite constater que Julie Timmerman sait mettre en place tous les éléments qui vont compter dans sa pièce, qu'elle raconte sans perdre un instant les premières années de Zoé, enfant issu d'un couple de "bobos", de ceux qui font découvrir Picasso et Wagner à leur progéniture à l'âge où les autres vont visiter pour la première fois Disneyland.
Dès lors, c'est sous les auspices de la musique des Walkyries que va grandir Zoé, tout en s'apercevant, peu à peu, que son père n'est pas un papa original mais un papa pas bien dans sa peau. Julie Timmerman a subtilement mis le spectateur dans les pas de son héroïne : c'est par ses yeux qu'il comprend, en même temps qu'elle, que ce papa qu'elle aime va être pour elle le problème de sa jeune vie et la question à résoudre de ses premières années de femme.
Une des grandes qualités de Julie Timmerman qui permet à son théâtre de ne pas s'engluer dans des conversations psychologiques interminables tient au fait qu'elle a compris l'arme fatale du cinéma sur le théâtre : l'art de l'ellipse. Elle sait faire comprendre avec un minimum d'éléments ce qu'elle a à dire et évite toujours les explications par les longues tirades.
Pareillement, ses acteurs ne s'épanchent jamais trop longtemps. Chacun est déjà presque défini par sa tenue, par son allure. Si on ajoute que tous sont convaincus de ce qu'ils sont sur scène, la metteuse en scène n'a jamais besoin d'aller vers l'emphase et rendre tragique les choses.
En Zoé, Alice Le Strat se donne à fond et l'on peut qualifier sa prestation d'exceptionnelle sans qu'elle ait eu besoin de se noyer dans l'hystérie. Pareillement, Mathieu Desfemmes, dans le rôle du père, est plus truculent que dément et sa femme (Anne Cressent), jamais dans le pathos, tient la barque de cette famille toujours au bord d'un gouffre Quant à Victor (Jean-Baptiste Verquin), le copain-ami-amoureux de Zoé, il assure à merveille le rôle de pièce rapportée qui donne sa stabilité au quatuor.
On se laisse guider sans arrière-pensées dans cette histoire qui n'est finalement qu'un prétexte à un divertissement mêlant émotion et sourire. Julie Timmerman surprend son public avec une vie de famille qui contient sans doute beaucoup de la sienne et où chacun pourra aussi retrouver quelque chose de la sienne.
Une œuvre qui devrait convaincre et qui, sans bruit et sans esbroufe, en ces temps moroses, ne cherche qu'à réjouir les cœurs. |