Black noise est la désignation qu’on donne à un type de son dont la basse fréquence le rend inaudible pour l’oreille humaine et qui précède fréquemment des catastrophes naturelles, ce qui est la cause de peur ou de panique chez les animaux qui arrivent à le sentir.
En baptisant son troisième album Black Noise, l’allemand Hendrick Weber, a.k.a. Pantha du Prince, veut souligner sa conviction que la musique précède l’homme, en existant dans toute manifestation de la matière. Ainsi, la musique des hommes résulte-t-elle de la manipulation de sons naturels ou synthétiques mais les hommes eux-mêmes sont le produit de la nature.
C’est à partir de cette dialectique naturel/fabriqué que Pantha du Prince dessine un monument sonore basé sur des beats obscures et le décore avec des éléments synthétiques, acoustiques et naturels, dans une ingénierie sono-plastique qui crée des ambiances de haute densité et enveloppement pour l’auditeur.
Toutes les musiques du disque commencent d’une manière relativement incipiente, à partir de quelques sons élémentaires en loops lents, auxquels d’autres sons, instruments et changements rythmiques vont s’ajouter graduellement en transitions successives si discrètes qu’on les remarque à peine : soudain, on dirait que nous sommes dans une autre musique et pourtant, c’est la même.
Les trois premiers morceaux ("Lay in a Shimmer", "Abglanz" et "The Splendour") ont une atmosphère plus électro obscure, si bien que dans "Abglanz" on peut évoquer un paysage bucolique et quelques désynchronisations sonores soutenues par un rythme bien structuré. Suivent trois pièces dans un registre chill-out ("Stick to my Side", "A Nomad's Retreat" et "Satellite Snyper"), la première étant la seule du disque présentant une voix humaine, et quelle voix : Noah Lennox des Animal Collective.
La septième musique, "Behind the Stars", nous rappelle que Pantha du Prince est un DJ et nous replonge dans une ambiance de la nuit, after-hours, à l’instar de beaucoup de celles qu’il a animées. C’est comme un pic rythmique de l’album, signant un virage vers deux musiques chill-out ("Bohemian Forest" et "Welt Am Draht"), auxquelles succèdent les deux dernières ("Im Bann" et "Es Schneit"), très ambiance "dark" en atteignant un point de relaxation contemplative encore plus marquée que dans les premiers morceaux du CD. On arrive à la fin du voyage.
Black Noise est une expérience sensorielle, presque viscérale, qui teste les limites du corps et de l’esprit de celui qui l’écoute, et a tendance à provoquer des réactions extrêmes d’extase ou de rejet immédiat. J’ai connu l’extase. J’adore. |