Interview
(Festival Terres du Son, Domaine de Candé, Monts) dimanche 14 juillet 2019
Fils du grand Fela, Seun Kuti est présent au festival Terres du Son en ce 14 juillet 2019, accompagné d’Egpyt 80 pour un concert. Après sa prestation musicale de l’après-midi, nous avons eu l’occasion de le rencontrer lors d’une interview.
Ma question concerne votre quatrième album Black Times sorti il y a un an. Il est très engagé sur le Black Power, pouvez-vous nous en parler ? Et qu’est-ce que vous voulez ou espérez de la part des gens avec ce nouvel album ?
Seun Kuti : Eh bien oui, c’est clair que mon album est basé sur l’idéologie du panafricanisme. Ouais, c’est ça mon dernier album. Et le véritable nouveau message de mon album est que la véritable unité pour l’humanité repose dans la lutte des classes, vous savez. Parce que beaucoup de mes camarades pan africains, ils disent toujours, ils ne sont pas seulement africains mais tout le monde est impliqué dans la lutte dans le monde et en Europe.
Tout ce que tout le monde aime dire, c’est la race d’abord ! Même Marcus Garvey disait la race d’abord mais je crois qu’avec cet album, il faut transmettre le message : "oui c’est la race d’abord mais ce n’est pas une race seulement". Et l’unité de l’humanité repose dans la lutte des classes. Si toutes les classes ouvrières et les gens pauvres devenaient globalement conscients qu’ils appartiennent à la classe ouvrière et que nous réalisions que les désirs de chacun sont des besoins pour faire des profits et que cela conduit à la destruction de l’humanité et de la nature.
Je pense que c’est l’idée qui unit tout le monde. La classe ouvrière et les gens pauvres vont vers la même chose et si nous pouvons réaliser que ce n’est pas la race seulement, il peut y avoir une unité dans la lutte c’est certain.
Vous êtes un artiste militant, qu’est-ce que ça implique ?
Seun Kuti : Je pense que tout le monde est militant, un militant passif ou actif. Ces militants passifs sont finalement les pires des militants, les plus dangereux. Je pense qu’avec ces musiques chacun avec ses idées, vous savez on a tous un choix. Je pense que si vous avez des idées, vous avez une responsabilité. Avoir le choix d’accepter cette responsabilité est un autre sujet. Mais chacun a ses propres responsabilités. Oui même vous, avec votre interview aujourd’hui ! Tout le monde a ses responsabilités et même lui avec son appareil photo (rires, ndlr : il désigne notre photographe) et l’histoire qu’il va raconter avec ses photos.
Quelle est l’autre source d’inspiration pour votre musique ?
Seun Kuti : Je pense que mon inspiration vient du véritable sens de ce qu’est l’amour vous savez, parce que tout le monde est piégé par l’idée capitaliste de l’amour qui est individuelle et romantique. Vous vous aimez vous-même et l’unique manière d’exprimer l’amour à quelqu’un d’autre, c’est l’histoire d’amour donc si vous n’êtes pas romantiquement engagé avec quelqu’un il n’y a pas d’amour.
Ou si vous n’êtes pas vous-même, vous même signifiant vous, vos proches, votre mère, votre père tout ce qui fait partie de vous et vous entoure, le véritable amour vous transcende vous et vos proches. Le véritable amour, c’est aimer tout et tout le monde !
J’essaie de faire de mon mieux dans ce monde, vous savez. Je pense que c'est ce qui m’inspire véritablement parce que je n’aime pas seulement mes enfants ou ma femme, Je ressens aussi un amour pour ma communauté, les gens de ma communauté et aussi la nature, les animaux, les rivières, l’océan et les montagnes et les rochers et ce putain de sable ! Toutes ces choses méritent l’amour !
Je ne comprends pas parce que les élites dans le monde veulent nous faire croire que la seule chose que vous pouvez aimer, ce sont les choses que vous possédez. Vous savez il n’y a pas d’amour dans ce cas. Tout ce que vous aimez doit avoir un pronom possessif avec tout ce que vous possédez : votre maison, votre, votre... Personne ne possède l’océan donc tout le monde s’en fiche, personne ne possède la forêet, ni les animaux ni la jungle donc tout le monde s’en fout. Je pense que cette idée limitée de l’amour est vraiment la réalité du monde actuel. Nous devrions au contraire aimer les choses que nous ne possédons pas. On ne possède véritablement rien.
Qu’est-ce que vous voulez faire dans 10 ans ?
Seun Kuti : Je ne sais pas, je ne sais pas ce que je vais faire dans 10 minutes. Est-ce que je vais à l’hôtel ou je reste au festival ?
Profitez du moment présent, c’est votre philosophie de la vie ?
Seun Kuti : Oui ! Profitons du moment présent.
Peut-être avez-vous quand même une idée sur votre futur ?
Seun Kuti : J’ai mes propres rêves et aspirations et cela prendra du temps pour les réaliser. Je sais ce que je veux être, je sais où je veux aller mais le chemin n’est pas encore bien défini. Tous les jours, nous cherchons le chemin.
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