Spectacle conçu par Jean-Louis Debard et Dominique Touzé, mise en scène de Julien Rocha et Dominique Touzé, avec Emmanuel Chanal, Danielle Rochard et Dominique Touzé.
On aurait pu tout craindre d’un spectacle qui fait cohabiter sur son affiche Montesquieu, Robespierre, Hugo, Jaurès, le général de Gaulle et Edgar Faure, et qui s’intitule "Au banquet de Marianne".
N’allait-on pas assister à une revue de chansonniers ou à une simple succession de saynètes parodiques fondés sur des anachronismes ?
Avec sa moustache auvergnate, heureusement plus proche de celle, sympathique, de Georges Brassens que de celle, ténébreuse, de Pierre Laval, et sa faconde d’enfant de Clermont-Ferrand, Dominique Touzé sait rassurer tout le monde en un temps record. Il explique en quelques mots simples combien les "banquets républicains" ont compté dans l’émergence puis la permanence de ce régime dans lequel s’est constituée la France moderne.
Lui et ses complices Emmanuel Chanal et Danielle Rochard vont alors se saisir d’ouvrages posés anarchiquement sur une table pleine de piles de livres poussiéreux et, sans jamais être ennuyeux, vont oser le didactisme nécessaire à qui veut vraiment faire de l’instruction civique.
"Au banquet de Marianne" est ainsi une réjouissante leçon républicaine, une saine et nécessaire piqûre de rappel des principes qui fondent la "Gueuse", en particulier en ce qui concerne l’épineuse question de la séparation de l’Église et de l’État.
Grâce à trois solides comédiens, pour qui compte d’abord le texte, on entendra, entre autres, résonner quelques accents gaulliens, on découvrira le lyrisme de Jaurès, son appétit des mots et des hommes, on percevra la détresse de Robespierre devant un monde qui se refuse à son rêve.
Si Dominique Touzé et Emmanuel Chanal se partagent les participants tous masculins de ce banquet de têtes historiques, Danielle Rochard va incarner une Marianne si émouvante qu’elle mériterait que le prochain buste de la donzelle soit moulé d’après ses traits…
Parmi toutes les prouesses qu’on mettra à leur crédit, il y a une chose inouïe : ils lisent du Montesquieu sur scène… et l’on a soudain l’impression de tout comprendre de la pensée politique du philosophe bordelais !
Car le texte de Jean-Louis Debard et de Dominique Touzé, qu’on aura avantage à se procurer après la représentation, est mieux qu’un assemblage astucieux de morceaux de bravoure républicains.
En ces temps où les choses républicaines s’obscurcissent, il faut féliciter ce travail d’une grande clarté et qui sait aussi surprendre par de nombreuses trouvailles de mise en scène.
Afin que ce brillant trio puisse toujours interpréter sa belle version de "Mourir pour des idées", on aura avantage à participer nombreux au festin théâtral que constitue ce "banquet de Marianne". |