Nous
avions rencontré Pascal Daubias
cet été alorsqu'il jouait dans "Embrassons
nous Folleville" au Théâtre du Tambour
Royal. A cette occasion, il nous avait indiqué qu'il animait
un cours de café théâtre. Nous avions donc pris
rendez-vous pour en parler à la rentrée.
Voilà chose faite ! C'est au 41
de la rue du Temple dans la cour du fameux relais de postes
qui s'appelait "l'Auberge de l'Aigle d'Or" qui héberge
aujourd'hui le Café de la Gare et le Centre de danse du Marais,
sur les lieux mêmes où se donnent lesdits cours, que
nous avons retrouvé Pascal Daubias.
Un passionné qui parle avec humanité de son métier
et de ses élèves. Et il doit être bon de faire
partie de sa classe...
Voici venue la période de la rentrée.
Pour les enfants comme pour les plus grands et notamment ceux qui
vont venir rejoindre vos cours de café théâtre
dont vous nous aviez indiqué l’existence la dernière
fois que nous nous sommes rencontrés. Dites nous tout.
Pascal Daubias : J’ai créé
ce cours en 1993 sous l’impulsion de l’un de mes anciens
professeurs de théâtre qui enseignait ici Jacqueline
Duc, ancienne comédienne de la comédie française
qui était une personnalité du théâtre
et qui m’a tout appris. J’ai pris la relève en
quelque sorte. Elle m’a incité à le faire en
disant que c’était ma vocation.
J’ai donc commencé tout document avec
deux heurs de cours par semaine. Et il est vrai que je me suis vite
senti très à l’aise dans ce rôle de prof.
J’ai donc créé la section café-théâtre.
Et il n’en existait pas sur Paris. Je crois que je suis le
premier à l’avoir fait et j’ai fait des émules
depuis. Il est vrai que je connaissais bien le comique, je côtoyais
les comiques et les mettais déjà en scène à
l’époque. Et elle ne s’est pas trompée.
Je lui rends ce petit hommage comme maintenant elle est décédée.
Pratiquement, que proposez-vous à vos élèves
?
Pascal Daubias : Les cours ont lieu au 41 rue du
Temple, juste au dessus du Café de la Gare dans la salle
Strauss. Les cours se déroulent sur une année du 1er
septembre au 30 juin les lundi et mercredi de 19h30 à 22h
et le samedi de 11h à 14 h. Ce ne sont donc pas des stages.
Les élèves peuvent bien sûr partir en cours
d’année s’ils se rendent compte que cela ne leur
convient pas et ceux qui restent peuvent revenir plusieurs années.
C’est d’ailleurs souvent le cas. Nous faisons beaucoup
de choses et le cours progresse avec eux. Nous faisons des spectacles.
Les anciens élèves reviennent toujours. Et il y en
a qui reviennent depuis longtemps. Cette rentrée, je sais
déjà que j’ai 25 anciens élèves
qui reviennent.
Il y a environ 11 heures de cours par semaine répartis
sur 4 jours, ce qui est intense mais pour ceux qui le souhaitent.
Mais c’est modulable et les élèves peuvent,
selon leurs disponibilités, ne venir qu’une ou 2 fois
par semaine. C’est donc un peu à géométrie
variable et je m’adapte à tous les niveaux. C’est-à-dire
que je mélange les élèves quel que soit leur
niveau. Et cela se passe très bien. Toutefois, pour ceux
qui sont déjà plus confirmés et qui ont atteint
un certain niveau, j’organise des sessions qui leur sont réservées.
Cette année ce sera le vendredi soir.
Les personnes intéressées peuvent
retirer toutes les informations au Centre de danse du Marais qui
est situé dans un lieu magique où passe beaucoup de
monde et elles peuvent également m’appeler.
A qui s’adresse ce cours ?
Pascal Daubias : Ce cours s’adresse à
tout le monde. C’est très ouvert et pour moi être
motivé est primordial. Dès que les gens sont intéressés
et motivés, ils m’intéressent. Après,
s’ils sont mauvais, il m’appartient de leur apprendre
des choses.
Pouvez-vous discerner une typologie ?
Pascal Daubias : Depuis onze ans, j’ai pu
remarquer qu’un profil se dessine. Comme c’est du comique,
ce sont des gens qui ne sont pas très jeunes en âge.
Le comique ne touche pas ou très peu les très jeunes
car il faut avoir atteint une certaine maturité pour avoir
un recul sur soi et accepter de se moquer de soi-même avant
de se moquer des autres. Mes élèves ont donc au minimum
25 ans. La moyenne est la trentaine et ça peut aller jusqu’à
60 ans !
Par ailleurs, au début, je n’avais
presque que des garçons. J’ai commencé avec
une classe dans laquelle il n’y avait qu’une fille qui
en était un peu la mascotte. Ça s’est nettement
équilibré et maintenant la tendance me paraît
être même en train de s’inverser.
Compte tenu de ses constations sur l’âge,
vos élèves ont-ils un background de comédien
?
Pascal Daubias : Là aussi l’éventail
est très large. Bien sûr, j’ai de jeunes comédiens
qui sortent du cours Florent et qui veulent se spécialiser
dans le comique. Mais à l’opposé j’ai
des jeunes complètement novices et je ne les dédaigne
pas car souvent il s’avère qu’au bout d’un
an ils peuvent faire de très bonnes choses. Et puis j’ai
des personnes qui ont été dans le monde du travail
pendant des années et qui ont tout arrêté pour
se lancer dans le café théâtre et en faire leur
métier.
Donc c’est varié et je ne fais pas
d’audition en début d’année car je considère
que la plupart ont quelque chose en eux et qu’il m’incombe
de le leur faire découvrir. L’audition crée
beaucoup de stress au départ pour pas grand chose.
Pour le comique j’ai besoin que les élèves
soient détendus. Parce que ce n’est pas si simple de
faire rire. A partir de là on peut commencer à travailler.
On ne se trouve pas dans la situation d’un examen pour apprécier
le niveau. Cela étant, le premier cours se présente
comme une prise de contact et une présentation et cela revient
un peu au même mais dans une forme différente.
Vous disiez que vous aviez déjà
25 demandes. Y a-t-il une limite en nombre ?
Pascal Daubias : Oui, bien sûr. Il y a effectivement
une limite quantitative mais cela s’harmonise toujours très
bien. En début d’année, il y a toujours beaucoup
de monde c’est normal. Les 3 premiers mois sont donc chargés
puis en janvier les choses se régulent d’elles-mêmes.
Ne restent que les élèves vraiment motivés.
Cela étant j’organise aussi le cours en fonction de
cette fréquentation importante en début de cycle.
Je partage le cours en deux parties. Dans l’une,
je leur propose des exercices tous azimuts et ce pour tout le monde
: on travaille sur le corporel, sur leur personnalité comique,
la gestuelle, tout ce qui peut leur permettre d’abandonner
leurs complexes dans leur approche du comique. Dans l’autre,
je leur propose d’interpréter des sketchs.
Les premiers mois du cycle, la première
partie est prépondérante. Ensuite, petit à
petit la part d’exercice diminue au profit de l’interprétation
quand l’effectif s’est stabilisé. A ce moment
là , j’ai entre 12 et 15 élèves. Ce qui
est un nombre gérable et minimum pour qu’il y ait une
bonne ambiance, une dynamique et une émulation au sein du
cours.
Avant que les élèves motivés
prennent leur envol, combien de temps s’écoule-t-il
?
Pascal Daubias : Il faut plusieurs années.
Au moins 3 ans. En parallèle, je leur propose de faire des
spectacles mais qui ne sont pas prévus dans le cours. Nous
en faisons environ 2 dans l’année au mois de mars et
de juin sur 2 scènes de taille différente : un café-théâtre
et une salle de théâtre plus classique. Cela leur permet
de voir la différence notamment en termes de proximité
du public. L’année dernière nous avons joué
au Théâtre de la Main d’Or à Paris et
dans une grande salle de théâtre en banlieue.
Par exemple j’ai créé un spectacle
"La meute" qui s’est joué l’année
dernière qui est issu du cours. Nous l’avons écrit
et joué ensemble et je l’ai produit. Nous avons d’ailleurs
joué un an au Café de la Gare. Puis ce fût "La
meute dans ZU" que nous avons joué au Théâtre
de la Main d’Or. Le spectacle s’est arrêté
parce beaucoup sont partis vers d’autres horizons. Moi, j’ai
l’esprit de troupe que tout le monde n’a pas forcément.
Et je les envoie en scènes ouvertes comme
le Trévise. Tous les ans, il y en a qui sortent. Enfin c’est
beaucoup dire parce qu’il n’y pas beaucoup de comiques
qui sortent mais au moins qui en font leur métier. Cela étant
je fais des cours mais je ne veux pas vendre de la soupe. Donc mon
travail s’arrête là.
Le cours a évolué depuis 1993 je
suppose ?
Pascal Daubias : Oui, parce que j’ai évolué
moi-même. Donc j’ai inventé de nouveaux exercices
et puis les sketchs ont évolué aussi. Cela étant,
au fond, le cours me paraît être resté identique.
Ma façon de travailler, ma méthode si l’on peut
dire, est restée la même parce que je crois que ça
ne marche pas si mal. Mes principes également.
Quel pourcentage veut en faire son métier
?
Pascal Daubias : Oh, 10 % pas plus. C'est d'ailleurs la proportion de mes élèves qu'on retrouve dans la profession. Et puis il
y ceux qui jouent d’ailleurs sur scène mais cela reste
un amusement. Et puis parmi ceux qui ont déjà suivi
des cours de comédie, je constate parfois de grosses lacunes
et les autres sont meilleurs qu’eux. Je préfère
accueillir quelqu’un qui a envie d’apprendre que quelqu’un
qui pense connaître déjà beaucoup de choses.
La première chose à acquérir
est l’humilité. C’est la première chose
que j’essaie de leur apprendre parce que c’est aussi
la première chose que j’ai apprise. Mieux vaut être
modeste et avoir de bonnes surprises ! Et pour ceux qui manquent
de modestie c’est difficile d’apprendre car ils ont
déjà un orgueil important et cela les bloque car ils
n’ont pas le droit d’être mauvais.
Parmi ces 10 %, y en a-t-il qui émerge
sur scène ?
Pascal Daubias : Les comiques qui jouent à
Paris et qui essaient de s’en sortir sont nombreux. J’ai
des élèves parmi ceux là. Il y a beaucoup de
jeunes talents mais de vraies génies dans le comique, il
y en a peu. Et puis, il ne faut pas oublier
le facteur chance. La chance entre pour 1/3 dans la réussite
du comédien. Les autres composantes à parts
égales sont le physique, c’est-à-dire le physique
qui correspond à ce que l’on veut faire, et le talent.
Et puis, il faut trouver un lieu. Ce n'est pas
facile sur Paris. Je connais des comédiens qui paient les
salles pour jouer. C’est invraisemblable ! Les comédiens
ne devraient pas accepter ce système. Car en plus, cela ne
garantit pas la venue du public. Donc quand en plus il n’y
a pas de recettes ! Il faut un contrat honnête.
Ce n'est pas facile d'être comédien.
Cela implique aussi de se diversifier pour pouvoir s’en sortir.
Quand je dis cela ce n’est pas qu’une question d’argent
sinon je ne ferais pas ce métier. Moi aussi je me diversifie
pour me permettre de vivre de mon métier parce qu’il
me passionne. Ainsi je travaille beaucoup sur les films d’entreprise.
Ce sont des films publicitaires internes à l’entreprise
qui servent pour la formation du personnel.
Avoir votre lieu ne vous tente pas ?
Pascal Daubias : Je me suis occupé d’un
lieu que j’avais lancé il y a quelques années
qui est le Théâtre Saint Vincent à Jouy le Moutier.
Une jolie salle datant de 1802 donc construite sous Napoléon
en plein village. J’avais même lancé une légende
qui a fait le tour de la région indiquant que c’était
Joséphine de Beauharnais qui avait fait construit pour recevoir
l’empereur quand il revenait de campagne. Auparavant, il s’agissait
d’un restaurant. J’y ai donc créé un théâtre
et fais passer pas mal de comiques.
L‘ambiance y était très chaleureuse
et je faisais participer le public aux spectacles. C’était
simple et bon enfant. Beaucoup de gens venaient pour cette ambiance
de campagne. Le dimanche je faisais des thés dansants. Je
suis parti en raison de quelques divergences de vue avec le nouveau
propriétaire du lieu. Le théâtre continue mais
sous une forme plus classique. Je n’aime pas faire ce que
tout le monde fait.
Et aujourd'hui ?
Pascal Daubias : Oui, bien évidemment.
Si j’avais les moyens financiers de le faire. Mais à
Paris ce n’est pas facile et je n’ai pas eu d’opportunités
en ce sens. D’autant que je suis exigent (sourire)…
je ne voudrais pas un lieu trop exigu. Une cave pour recevoir 20
personnes est ingérable. Et artistiquement, cela conduit
aussi à l’échec. Je voudrais faire quelque chose
de nouveau, car je crois que je saurais faire. Mais pour le moment,
je n’ai pas pu concrétiser ce projet.
Quels sont vos projets pour cette rentrée
?
Pascal Daubias : Je vais aborder la rentrée
tranquillement parce qu’il faut que je mette en place les
cours. Je n’ai donc pas de projets pour septembre. Nous reprendrons
certainement "Embrassons nous Folleville" avec la même
troupe. Et puis toujours avec les mêmes nous avons quelques
dates de tournée avec "Les rustres" de Goldoni.
Nous effectuons également des démarches pour jouer
"Le médecin malgré lui de Molière"
que nous avons créé il y a quelques années.
Par ailleurs, je me suis lancée dans les
voix donc je fais beaucoup de démarches dans ce registre.
Et avec ceux qui restent de la Meute, j’ai relevé un
nouveau défi et nous écrivons une pièce ensemble
à 8. J’ai lancé les bases en août. Bon,
il faut de la patience mais j’ai le goût du défi.
Et puis j’ai commencé aussi un duo
de deux de mes élèves Taiëb et Sébastien
dont nous avons commencé l’écriture au mois
d’août. J’espère que nous pourrons les
voir en janvier. Ce qui nous donnera l’occasion de nous revoir…
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