Spectacle adapté par Julie Deliquet, Julie André, Agathe Peyrard d'après Molière, mis en scène par Julie Deliquet avec Florence Viala, Laurent Stocker, Elsa Lepoivre, Serge Bagdassarian, Adeline d'Hermy, Sébastien Pouderoux, Pauline Clément, Clément Bresson.
Pour leur troisième rencontre au sommet, la troupe de la Comédie-Française et la metteuse en scène désormais incontournable Julie Deliquet, ont décidé de s'intéresser au quotidien de Molière et de son entourage.
Conçu en deux parties, séparées par un entr'acte, "Jean-Baptiste, Madeleine, Armande et les autres..." va d'abord suivre les comédiens de Molière et lui-même pendant une réunion faisant le bilan de leurs activités autour d'un repas bien arrosé.
Dans la seconde partie, ils n'ont qu'une heure pour préparer pour le soir même un texte que le roi a commandé à la dernière minute à ce courtisan de JB qui n'a pas osé lui avouer qu'il était loin d'être prêt...
Tout cela est fort sympathique, les costumes de Julie André parfaitement réussis et le décor imaginé par Eric Ruf et Julie Deliquet
explique pourquoi la troupe est restée aussi unie en se sédentarisant.
Si l'on en connaît peu sur Molière, cette soirée permet d'en dresser un portrait plausible.
Mais l'alliance du savoir-faire de la metteuse en scène et des comédiens du Français n'est pas suffisant pour donner un réel enjeu à ce spectacle qui cherche à séduire pour cacher la légèreté de son contenu.
Ainsi, la répétition de l'impromptu promis imprudemment au roi est une pochade qui vaut surtout par les répliques de Laurent Stocker qui, avec Serge Bagdassarian, domine la distribution. La prestation de Clément Bresson en Molière est honnête. Il pâtit un peu des propos qu'on lui fait dire et qui sont, théoriquement, de ... Molière. Or, à les entendre, il a tout du paranoïaque qui, à l'exception de sa troupe, voit des ennemis et des jaloux partout. Il s'en prend notamment à Edme Boursault qui a osé écrire une pièce pour répondre à l'Ecole des Femmes". Molière se gausse de lui et ses propos contre Boursault, repris par Julie Deliquet, déclenchent les rires du public acquis à sa cause sans avoir lu une ligne de cet auteur tombé dans l'anonymat.
Or, à l'instar de beaucoup d'auteurs du Grand Siècle, cet occultation par ce "Divin Molière" est injuste. Il aurait fallu qu'on profite de cette année où l'on fête l'auteur de Tartufe pour rejouer certains auteurs , Cyrano de Bergerac ou Tristan L'Hermite par exemple.
Grâce à Gallica, on peut télécharger gratuitement et très facilement des centaines de pièces du 17e siècle, pratiquement les œuvres complètes de plusieurs dizaines de concurrents de Molière.
Eux, au moins, on est sûr qu'ils sont les auteurs de leurs œuvres et, comme on les ignore, ont le bénéfice du doute sur ce qu'on peut reprocher à Poquelin Junior : un mépris des femmes qui aujourd'hui lui vaudrait sans doute de graves ennuis. On peut les lire en filigrane dans "Jean-Baptiste, Madeleine, Armande et les autres..." où franchement les comédiennes, comme dans les pièces de Molière, jouent les comparses. Pour un macho de son acabit, les femmes, ça se traite à la hussarde comme Julie Deliquet le montre dans la scène où ce délicat dramaturge trousse l'une des Béjart sur la table où la joyeuse compagnie vient de dîner.
Bien entendu, cela n'empêche pas de venir se divertir agréablement devant "Jean-Baptiste, Madeleine, Armande et les autres..." Peut-être, un jour prochain, quelqu'un viendra présenter Molière aux scolaires sous un angle différent. On a vu d'autres intouchables tomber récemment de leur piédestal d'airain.
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