Réalisé par Claude Lelouch. France. Comédie darmatique. Durée : 2h. (Sortie 15 septembre 2010). Avec Audrey Dana, Laurent Couson, Raphaël, Samuel Labarthe, Bob Kane, Dominique Pinon, Judith Magre...
"Et puis il y a des jours où Claude Lelouch fait de bons films". Cette sibylline affirmation dans la bouche de la lumineuse Anouk Aimée pour les besoins promotionnels du film "Y’a des jours et des lunes" (1990), résume bien la carrière de ce grand gamin de 70 ans passés qui fête aujourd’hui son demi-siècle de cinéma. On lui reproche tout et son contraire, à Lelouch. Il continue quand même. Il creuse le même sillon depuis cinq décennies, disent ses détracteurs. Mais les histoires sont toujours différentes rétorquent ses défenseurs. Qui a raison ? Qui a tort ? Tout le monde et personne, bien sûr…
Alors, "Ces amours-là", film de la réconciliation ? Rien n’est moins sûr.
Il y a dix ans, Lelouch affirmait qu’il n’aurait bientôt plus l’âge de filmer caméra à l’épaule comme pour "Un homme et une femme" ou "Vivre pour vivre". Le grand âge, ce pourvoyeur de sagesse dit-on, serait donc la cause d’une certaine épure chez Lelouch, alors qu’encore récemment les plans les plus baroques tous droits inspirés de son film culte "Quand passent les cigognes" de Mikhaïl Kalatozov (1959) persillaient ses longs métrages ? Ou bien une certaine sagesse étrangère à l’âge l’aurait-elle envahi comme en attestait son avant-dernier opus "Roman de gare" qui affichait sobriété, économie de toutes parts, focalisation sur les personnages, dialogue vifs et percutants ? Mystère…
De la discrétion de "Roman de gare", Lelouch passe à un matraquage publicitaire à la limite de la mégalomanie avec pour pierre d’achoppement ses 50 ans d’amour avec le cinéma. L’événement mérite d’être fêté. En beauté. En cinémascope. Et le film qui l’accompagne se doit d’être à la hauteur…
Disons-le : il l’est. Les admirateurs du cinéaste, ceux qui ont aimé "Le chat et la souris", "Itinéraire d’un enfant gâté" ou "Viva la vie" verront dans "Ces amours-là" un film somme. Les autres, un film assommant. Pourtant, cette belle histoire d’amour inspirée de faits réels entre une Française et un SS a bien de quoi séduire.
On y croit dès les premières secondes, dès les premières notes du maestro Francis Lai alter ego musical du cinéaste. On se laisse emporter par la houle des sentiments, subjuguer par ce romanesque, par ces flash back et retours dans le présent. Quel présent, d’ailleurs ? Avec son art de brouiller les pistes temporelles, apanage de l’art cinématographique par excellence, Lelouch nous fait entrer dans la grande Histoire mais par la petite porte. La sienne. Celle qu’il poussa un jour pour voir les acteurs qu’il croyait incrustés dans l’écran et qui, tout le monde le sait, sont dans la pellicule, dans la cabine du projectionniste.
Audrey Dana, déjà splendide dans "Roman de gare" mais aussi "Welcome" de Philippe Lioret porte une grande part du film sur ses frêles épaules. Elle y est superbe et magnifiquement entourée. Dominique Pinon (également dans "Roman de gare"), Anouk Aimée la fidèle parmi les fidèles, Liane Foly en chanteuse et enchanteresse, l’immense Samuel Labarthe… Même Raphaël, chanteur sans éclat, réussit son passage à l’écran. Il faut dire que Lelouch aime ses comédiens et le final de "Ces amours-là" restera une des plus belles déclarations qu’on puisse leur faire.
Finalement Lelouch reste Lelouch, ce bonhomme décrié, hué, mais qui aujourd’hui en état de grâce peut se réjouir d’avoir su maintenir le cap sur un itinéraire formidable dont il a posé patiemment chaque jalon, contre vents et marées. Son film est beau. Son cinéma est unique. Son amour du cinéma est intact. Joyeux anniversaire !