Lorsque deux collectionneurs de livres se rencontrent, de quoi parlent-ils ? De livres, du livre, de son histoire et de son avenir, de sa forme... Et d’anecdotes en réflexions, Umberto Eco et Jean-Claude Carrière discutent, digressent, rebondissent pour nous livrer sous la forme d’entretiens avec humour et érudition beaucoup d’eux-mêmes.
C’est ainsi une promenade à travers l’histoire du livre, sa symbolique, sa conservation, sa valeur qu’ils nous proposent. Qu’est-ce qui rend un livre précieux ? Pourquoi tel livre a-t-il disparu ? Pourquoi tel autre a traversé les siècles ? Pourquoi tel auteur encensé en son temps est aujourd’hui totalement inconnu ? Pourquoi le livre a-t-il fait l’objet de censure et connu nombre d’autodafés ? Quels seront les auteurs et leurs œuvres que la postérité retiendra parmi les multitudes imprimées chaque jour, et conservées ? Voilà quelques unes des nombreuses questions abordées dans cet ouvrage éclectique et passionnant.
Le livre, dans sa forme actuelle, a atteint la perfection de la forme. Tout comme la roue, le livre tel que nous le connaissons aujourd’hui ne peut pas être amélioré. Quid alors du livre électronique dont on annonce régulièrement qu’il va tuer le livre ? Umberto Eco a la réponse : "Un instrument qu’on feuillette et qu’on peut lire lors d’un black out, sur un bateau, la branche d’un arbre, dans une baignoire, sans avoir besoin d’un branchement électrique, on ne peut faire mieux. Quel autre objet inventé avant ou depuis le livre, a rempli aussi bien son office que ces quelques grammes de papier ?"
Et lorsque que l’on se rend compte que des livres imprimés il y a des centaines d’années, d’autres recopiés encore plus vieux, ou si l’on remonte encore plus loin, les papyrus et tablettes, sont encore aujourd’hui lisibles, alors que des données enregistrées sur des supports comme des disquettes n’ont plus le matériel pour être lues… cela en effet fait réfléchir à l’objet livre et à sa longévité. "Sur la durabilité des nouveaux supports, nous n’avons pour l’instant aucun recul" expriment si justement les interviewés.
Jean-Claude Carrière, scénariste et cinéaste, également collectionneur d’incunables, apporte une vision du livre comparée à celle du cinéma, art qui n’a pourtant qu’un peu plus d’un siècle et qui pourtant est confronté à la pérennité de ses supports de conservation. Les pellicules doivent être conservées dans des conditions tellement particulières et drastiques, que certains films sont définitivement perdus. Paradoxalement, certains de ces derniers n’existent plus que par l’écrit, livres, story-board, articles, photos… Le livre est donc parfois le dernier témoignage, même s’il ne subsiste que sous la forme de fragments, de commentaires, de citations.
Après avoir été en peau, en parchemin, et maintenant en papier, même si sa matière évolue et devient plastique, le livre tel que nous le concevons dans sa forme a donc encore de l’avenir !