Traversée textuelle et musicale conçue par Michelle Brülé, mise en scène de Nadine Darmon, avec Michelle Brûlé et Odja Llorca (en alternance avec Sarajeanne Drillaud).

Simone de Beauvoir : que nous évoque aujourd’hui ce nom ? Une grande figure du féminisme, l’auteur de "Le deuxième sexe" et de "Les mandarins". Et des images : au côté de Jean-Paul Sartre, attablée au Café de Flore, dans les manifestations, distribuant la Cause du Peuple, devant les micros et les caméras dénonçant la répression en Algérie, le statut des femmes en France.

Ses cheveux tressés entourant un visage grave, une allure hautaine : Simone de Beauvoir et sa cour, incarnant pour elle comme pour autrui le principe d’intransigeance et de maîtrise de soi.

"La ballade de Simone" situe Simone de Beauvoir dans son époque lorsqu’en 1948-1949, elle rédige "Le deuxième sexe" et qu’elle vit une relation avec Nelson Algren, son amant américain resté à Chicago. Les lettres ont paru aux Editions Gallimard en 1999, suscitant la surprise.

Le duo de comédiennes composé de Michelle Brûlé et Odja Llorca ne veut pas signifier qu’il y a deux personnalités : le professeur de philosophie et l’amoureuse captive, mais plutôt mettre en évidence les différentes approches d’une même femme, d’un même individu. Avec fascination elles montrent comment la vie privée de Beauvoir nourrit sa pensée et vice versa. Michelle Brûlé et Odja Llorca vont défendre "Le deuxième sexe", ouvrage qu’il ne faut cesser de lire, et racontent avec admiration les choix de la femme qui ne se refuse aucune expérience, investie de tout son cœur, de toute son âme dans cet amour impossible : rejouant le mythe des amants séparés, par la langue, l’océan, le serment tacite à Sartre. Et Simone est telle Iseult qui retourna près du Roi Marc…

Ce spectacle est un véritable morceau de bravoure. Construit à partir des textes du livre et de la correspondance entre Beauvoir et Algren, il n’en est pas moins vivant et enthousiasmant, et prouve le fantastique travail de mise en scène de Nadine Darmon.

Intelligemment construit, il fait entendre le discours militant tout en exaltant la passion amoureuse de l’intellectuelle française pour l’auteur américain. Nous avons été ravis par ce tandem d’actrices, aux personnalités affirmées, tout à la fois danseuses, chanteuses, musiciennes, professeur, élève, mère, maîtresse, et émus par leur engagement.

Une petite bouffée de ce Saint-Germain-des-Prés de liberté, de sensualité et d’ambitions révolutionnaires dont Simone de Beauvoir est en quelque sorte l’essence, est bienvenue par les temps qui courent. "La ballade de Simone" est un spectacle à voir absolument.