Comédie dramatique de Steven Berkoff, mise en scène de Ludovic Pacot-Grivel, avec Marjorie de Larquier, Prune, Yann de Monterno, Renaud Benoit et Serge Da Silva.

Voilà une comédie satirique et caustique, effilée comme la lame d'un rasoir - ça estafilade, ça saigne et ça purge à l'envi - totalement roborative et jubilatoire qui nous cueille comme un fruit mûr à l'été.

Il s'agit de "Kvetch" de Steven Berkoff, petit bijou d'humour métaphysique décalé qui scrute et déchiffre le cerveau de nos contemporains à la manière d'un scanner pour y traquer toutes les angoisses et névroses des victimes des diktats stressants d'une société qui pratique le prêt à jeter pour les individus qui ne satisfont pas à la norme.

Steven Berkoff, acteur, dramaturge et réalisateur britannique, s'attaque avec une ténacité de roquet féroce aux handicapés de la vie, ces pleurnichards, d'où le terme yiddish "kvetch", en état de dichotomie permanent entre l'être et le paraître dans une veine qui serait celle d'un Hanokh Levin matiné de Woody Allen et de Matei Visniec.

Se complaisant par peur, crainte, angoisse, couardise ou lâcheté, ou peut être tout simultanément, dans leur médiocrité et leur insatisfaction tant professionnelle que personnelle, affective et sexuelle, ils sont pitoyables et pathétiques et cependant émouvants car ils nous tendent un miroir accablant.

Tel est le cas pour ces cinq personnages en quête de bonheur, la quête de toute vie, qui se morfondent et se rabougrissent au fond de leurs pénates très middle class, pour lesquels Ludovic Pacot-Grivel a concocté une mise en scène frénétique et stroboscopique avec des arrêts sur image qui réveillerait un résigné à encéphalogramme plat.

Sur scène, dans un petit décor étriqué, les officiants sont époustouflants et loufoques à souhait : Marjorie de Larquier femme façon american way of life qui s'étiole au foyer, Renaud Benoît en commercial lobotomisé par les contraintes de rendement, Yann de Monterno en divorcé qui coule dans une solitude abyssale, Serge Da Silva en chef d'entreprise playmobil qui joue les amants foireux et Prune en belle-mère en voie d'alzheimérisation.

Et c'est terriblement drôle.