Drame caustique contemporain de Juan Mayorga, mise en scène de Anne Cosmao, avec Thierry Barèges, Alexandre Lachaux, Anne Mauberret, Rémi Sagot, Marine Segalen et Bertrand Waintrop.
Dans le cadre de son prix "Jeunes metteurs en scène", le Théâtre 13 nous propose les spectacles des heureux finalistes. "Les Insomniaques" est le deuxième spectacle de cette édition qui promet d'être riche en découvertes.
La jeune metteur en scène Anne Cosmao a obéi aux règles du concours en travaillant sur une pièce d'auteur qui comprend six personnages et en construisant une mise en scène pertinente.
"Les Insomniaques" commence sur un banal entretien entre deux voisins qui se rencontrent dans un café. Leur échange auparavant réduit à un simple salut matinal prend un tour inattendu. Le voisin du dessus (Thierry Barèges) sait qu'il tient son voisin du dessous (Alexandre Lachaux) en son pouvoir. En sous-entendant qu'il pourrait lui attirer des ennuis à lui et à sa femme, en le dénonçant à la police, il l'attache à lui. L'"ami" qu'il vient de se choisir, est en séjour illégal, sans papiers. Il s'est habitué à se contenter de peu, à vivre sans faire de vague, et à sacrifier sa dignité à une relative tranquillité.
Jusqu'où est-il prêt à être manipulé ? Qu'est-ce qu'il recherche, cet autre, peu instruit, doté de ce pouvoir soudain à la faveur d'une loi gouvernementale ?
La mise en scène accentue habilement les ressemblances et les différences des deux foyers. Deux couples sans enfants, l'un, sensuel partageant un même goût pour la littérature, l'autre distant, miné par une incompréhension mutuelle. La femme "étrangère" (Marine Segalen) est une femme autonome, qui travaille, elle est traductrice. Elle est l'image de la liberté, son corps et son désir lui appartiennent, elle ne supporte pas le moindre empiètement. La femme du dessus (Anne Mauberret) n'est plus que nervosité et anxiété, les nuits sans sommeil à suivre les conseils d'un gourou (Bertrand Waintrop) l'auront convaincue qu'elle doit chercher dans les problèmes de son couple les raisons de son insomnie.
Comment chacun va -t-il faire face à cette situation nouvelle? Qui choisira de se coucher devant l'ennemi ? Qui prendra le parti de résister et de fuir ? L'obéissance n'a -t-elle pas aussi sa part de séduction ?
"Les insomniaques" ne laisse pas indifférent. Nous remercions Anne Cosmao d'un pareil choix, qui se fonde sur un fait social (le séjour des sans papiers) qu'on traite rarement à travers les relations quotidiennes entre les gens.