Monologue dramatique de Joëlle Gardes interprété par Gwenaële Tamine dans une mise en scène de Ismaël Djema.

La romancière Joëlle Gardes s'est penchée sur la vie et le destin de Madeleine Béjart surnommée "Madame Molière" alors même que, si elle a longtemps partagé la vie du sieur Molière, n'a jamais convolé en justes noces.

Elle a élaboré un monologue dramatique publié sous le titre "Madeleine B. ou La lune rousse" dans lequel la comédienne, au crépuscule de sa vie, qui est aussi celui de Molière qui mourra un an après elle, soliloque non sans désenchantement entre joie, amertume et révolte.

Celle qui fut la femme rousse à la beauté notoire et au talent reconnu se remémore les événements marquants de sa vie ainsi que les affres dans lesquels elle se débat, évidemment ceux de la vieillesse mais surtout la relégation tant affective que professionnelle à laquelle celui-ci l'a condamnée, manifestation évidente d'une ingratitude et d'un désamour dont elle ne peut se consoler alors qu'elle se considère, à juste titre au demeurant, comme ayant été l'éminence grise qui a permis à Jean-Baptiste Poquelin de devenir Molière.

Agrégée de grammaire ayant enseigné la rhétorique et la poétique au niveau universitaire, Joëlle Gardes livre un opus de belle facture littéraire et le portrait d'une femme du 17ème siècle résolument moderne à partir d'une approche déductive des faits connus.

Ainsi, Madeleine Béjart se révèle une figure protoféministe qui refuse de céder aux injonctions biologiques et sociétales qui pèsent sur les femmes, et revendique une liberté pleine et entière, s'affranchissant de toute tutelle maritale et choisissant un métier soumis à l'opprobre.

Mais elle n'est pas à l'abri du paradoxe. Ainsi regrette-t-elle que Molière ne lui ait pas proposé le mariage et même si elle ne se leurre pas sur ses faiblesses et ses petitesses qui suscitent rancoeur et jalousie, elle continue de l'aimer.

Par ailleurs, si elle fulmine contre le manque de reconnaissance du talent des femmes et de sa vocation ratée d'auteur, elle n'a jamais pris la plume en son nom se bornant à ravauder les pièces ébauchées du dramaturge passé à la postérité.

Sous la direction de Ismaël Djema, la partition qui ressort au biopic fictionnalisé est dispensée avec justesse et le personnage incarné avec une émotion sensible par Gwenaële Tamine qui en cisèle toutes les facettes.