Tragédie d'Euripide, mise en scène de Bernard Sobel en collaboration avec Michèle Raoul-Davis, avec Eric Castex, Manon Chircen, Salomé Dienis Meulien, Jean-Claude Jay, Claude Guyonnet, Matthieu Marie, Vincent Minne, Sylvain Martin, Asja Nadjar, Tchili et Alexiane Torres.
Avec la fidèle collaboration de Michèle Raoul-Davis pour la dramaturgie, Bernard Sobel met en scène "Les Bacchantes" de Euripide pour, indique-t-il dans sa note d'intention, "clore l’aventure engagée il y a plus de soixante ans" en revenant aux tragiques antiques pour éclairer, dans le contexte contemporain d'une déliquescence civilisationnelle, les menaces qui résultent de l'obscurantisme, de l'exacerbation des nationalismes, de la résurgence des racismes et du fanatisme.
L'opus met en scène le sort funeste qui attend Penthée (Matthieu Marie), le roi de Thèbes, qui, s'opposant, nonobstant l'avis et les conseils du devin Tirésias (Jean-Claude Jay) et de Cadmos (Claude Guyonnet) son aieul fondateur de la cité, à l'introduction de nouveaux rites, et plus précisément les rites bacchiques introduits par Dyonisos, rites épicuriens et orgiaques mais également sauvages, entre en confrontation ouverte avec le dieu qui jouit des faveurs des citoyens pour avoir apporté la consolation aux hommes en leur donnant la vigne.
Mais Dyonisos (Vincent Minne), dont l'esprit maléfique a pris forme humaine doucereuse, ne se prête pas à la joute car il préfère user de l'arme de prédilection des dieux qu'est la ruse pour humilier le roi et le vouer aux délires meurtriers de ses factotums que sont les Bacchantes, femmes possédées qu'il instrumentalise au premier rang duquel la mère de Penthée.
La salle en pierre du Théâtre de l'Epée de Bois avec son mur de pierres brutes constitue déjà en elle-même un décor antique qui s'inclut dans la scénographie élaborée par Jacqueline Bosson sur une idée originale de Lucio Fanti composée d'empilement de morceaux de colonnes évocatrices de ruines de temples détruits ou des futurs temples en construction et d'un dais blanc avec un immense regard, aussi scrutateur et pénétrant que vide, qui rappelle les yeux incrustés de la statuaire grecque.
Sur le plateau quasiment nu, Bernard Sobel développe l'opus traduit dans une langue audible, maîtrisée et accessible à tous par Michèle Raoul-Davis avec une grande économie de moyens mais une acuité absolue dans le jeu résolument moderne tout en conservant certains codes antiques tel la présence du choeur.
Dans des costumes stylisés confectionnés par Elodie Madebos, avec la direction d'acteur sans faille de Bernard Sobel, le jeu juste et intense des comédiens, des aguerris - Erix Castex, Sylvain Martin et Tchili - aux jeunes pousses issues du Théâtre national officiant en choreutes (Alexiane Torres, Asja Nadjar, Manon Chircen et Salomé Dienis Meulien), emportent l'adhésion du public.
S'agissant des principaux protagonistes, la scansion naturelle de Vincent Minne qui compose un séduisant et séducteur avatar déique répond superbement au verbe tragique des figures royales parfaitement manié par Matthieu Marie en évitant le suranné écueil déclamatoire, qui s'affirme davantage, à chaque création, comme l'un des meilleurs comédiens les plus de sa génération.
Indispensable, même et surtout, pour les spectateurs réfractaires au répertoire antique.