Tragi-comédie de Molière, mise en scène de André Oumansky, avec Justine Thibaudat, Lola Felouzis, Cornelie Havas, Nicolas Natkin, Florian Pâque, Maxime Gleizes, Marc Derville, Anto Mela, François Bérard et Victor O'Byrne.
Très bonne surprise que "Le Misanthrope" proposé par la jeune Compagnie du Goéland dans la mise en scène de André Oumansky, acteur de cinéma, de télévision et de théâtre à la carrière émérite.
Dans la fidélité - éclairée - à l'esprit et à la lettre du texte originel dont la résonance contemporaine s'impose sans nécessiter un surlignage intempestif, il a trouvé la juste mesure évitant tant le registre des matinées scolaires que celui de la recontextualisation potache.
Sous la figure de Molière et devant une rampe lumineuse de leds qui rappellent l'ancrage dans le répertoire classique, les jeunes comédiens, issus quasiment tous des Cours Florent ou Jean-Laurent Cochet, réussissent une belle prestation qui donne à (ré)entendre une partition à l'écriture peaufinée qui épingle les vicissitudes de la sociabilité.
Entre la franchise absolue à laquelle aspire Alceste et l'hypocrisie opportuniste des courtisans de tous temps et des habitués des cercles à la mode, existe une troisième voie, celle de la diplomatie, dont son ami Philinte vante les mérites au cours de l'édifiante scène sur la dialectique de l'urbanité qui introduit l'opus.
En l'espèce, elle est délivrée de manière impeccable par Nicolas Natkin et Florian Pâque, à la belle écoute et au jeu non verbal, qui donne une vraie consistance à Philinte "au flegme philosophe" souvent joué comme le simple faire-valoir du raisonnable.
Dans le rôle-titre, Nicolas Natkin, tout de noir vêtu, excelle à camper tous les excès, contradictions et faiblesses de l'atrabilaire amoureux dont "la haine effroyable qu'il a conçu pour la nature humaine" motive un retrait hors du monde annoncé qui n'est différé qu'en raison de l'amour qu'il voue à la belle Célimène dont il espère purger l'âme des vices du temps.
Face au redoutable exercice de l'alexandrin, tous deux se révèlent remarquables. Détachée de la ponctuation de la brochure, la déclamation est fluide et délivrée sur la ton de la conversation avec une belle maîtrise tant de la respiration que de l'inflexion et de la réaccentuation indispensables à la compréhension des tournures du 17ème siècle.
De même pour les autres comédiens, avec toutefois une réserve pour Justine Thibaudat, manifestement peu rodée à cette pratique, et, très curieusement, accoutrée en mini-robe cheap et salomés dorés, ce qui s'avère paradoxale tant au regard de la condition du personnage que du look trendy de l'ensemble de la troupe.
Satisfecits donc à Cornélie Havas incarnant Eliante à la bienveillance lucide et Lola Felouzis qui campe une Arsinoé ambigüe se démarquant de l'habituelle caricature de rombière.
Egalement pour Maxime Gleizes, irrésistible Oronte luchinien dans la posture de l'artiste-rimailleur au petit pied, et les gandins, Anto Maria Mela, beau gosse façon Dany Brillant, et François Bérard, en pseudo-dandy décadent, qui dosent judicieusement leurs effets.
Victor O'Byrne et Marc Derville complètent la distribution de ce spectacle de belle facture - et donc - hautement recommandable.
