Comédie dramatique de Dorothée Zumstein, mise en scène de Marie-Christine Mazzola, avec Thibault de Montalembert, Sarah Jane Sauvegrain et Tatiana Spivakova. :
Un homme, deux femmes, le classique triangle amoureux en l'occurrence traité de manière morbide en raison de la personnalité névrotique des protagonistes.
Alors en pleine acmé artistique, porté au pinacle par l'adoubement royal lui décernant le titre de "Poet Laureate", l'homme est "visité" par des fantômes, ceux de femmes ayant partagé sa vie, et assailli de réminiscences douloureuses.
La première, introvertie, dépressive et suicidaire, l'épouse avec laquelle il constituait une fratrie poétique, n'a pas supporté son infidélité. La seconde, la maîtresse, exubérante et sensuelle, n'a pas supporté sa fidélité à une morte.
Cette intrigue s’inspire de la biographie conjugale du romancier et poète anglais Ted Hughes dont l'épouse, la poétesse américaine Sylvia Plath, et la maîtresse Assia Wevill se sont suicidées à quelques années d'intervalle, ce qui, en son temps, avait défrayé la chronique.
En effet, à l'instar d'une fraction l'écriture théâtrale contemporaine qui emprunte le modèle de la fiction critique qui a colonisé la cartographie littéraire, l'auteure, Dorothée Zumstein, use de manière récurrente du fait divers.
Cette partition intitulée "Never, never, never" constitue un exercice de style woolfien sur le choeur de consciences et le chant des voix traité selon le procédé de la répétition du motif de l'écriture glassienne, soit des variations d'un bref répertoire de scènes, sans doute des fondamentaux de l'histoire originelle pour qui la connaît, par ailleurs déclinées en miroir selon les deux configurations conjugales.
Pour la mise en scène, Marie-Christine Mazzola n'adopte pas de point de vue particulier si ce n'est qu'elle opte pour un rythme lent pour surligner l'irréalité de la situation.
Au jeu, Thibault de Montalembert, comédien aguerri, est efficace dans la trouble opacité d'un homme poursuivi par ses démon(e)s. Côté féminin, deux jeunes comédiennes issues de la même promotion du CNSAD qui se situent à l'opposé du spectre théâtral.
En effet, l'interprétation lisse et atone de Sarah Jane Sauvegrain, qui, au demeurant, ne permet guère de comprendre la puissance vampirisante du souvenir de l'épouse défunte, contraste avec celui organique et incarné de Tatiana Spivakova dont la puissance dramatique déjà été remarquée notamment dans "Annabella (Dommage qu'elle soit une putain)" et "Coeur sacré" traduit superbement la déliquescente de son personnage de femme qui tenait haut la bride aux hommes et finit par mordre la poussière.
