Réalisé par Jin Jang. Republique de Corée. Action/Thriller. 2h050 (Sortie le 20 juillet 2016). Avec Cha Seung-Won, Oh Jung-Se, Song Young-Chang, Seong-Woong Park, Go Kyung-Pyo, Kim Eung-Soo et Yong-Nyeo Lee.

Premier film présenté en France du réalisateur coréen Jin Jang qui en a plus d'une dizaine à son actif, "Man on high heels" constitue une roborative découverte tant par la facture que par le mélange des genres auquel il procède tout en s'inscrivant dans la doxa du cinéma coréen contemporain.

En effet il constitue un singulier "trois-en-un" par la cominaison, maîtrisée avec maestria par Jin Jang, d'un film d'action, variante parodie à la sauce manga du film de sabre coréen, une romance dramatique sur le mode des amitiés particulières prépubères et une fiction transgenre autour de la transexualité dont le fil rouge (rouge hémoglobine naturellement) est le personnage-titre, que Jin Jang maîtrise avec maestria.

A la ville, beau comme un mannequin au visage androgyne, musclé comme un athlète, avec corps sculptural et tablettes de chocolat, fighter impassible, mutique et indestructible comme Terminator malgré ses multiples cicatrices, Ji-wook, campé par le séduisant et charismatique Cha Seung-won, est un officier de police hors normes, franc-tireur aux méthodes expéditives, un des archétypes du néo-polar coréen. et spécialiste du combat à mains nues.

Bref, un mec, un vrai, un héros combattant conforme à l'idéal masculin antique qui lui vaut l'admiration générale, incluse celle de la crème des truands locaux. Mais dans l'intimité, il se livre au travestissement féminin et a entamé un processus de féminisation résultant d'un homoérotisme révélé à l'adolescence sur lequel plane le souvenir d'un amour inaccompli.

Sa dernière mission avant sa transformation consiste à arrêter un parrain local après voir décimé sa garde rapprochée. Mais les événements s'enchaînent pour retarder et troubler sa démarche. Ainsi doit-il affronter l'héritier présomptif du truand, un psychopathe terrifiant de bêtise sadique sous le brushing seventies et le costume Smalto (Oh Jung-se) qui succombe à la fascination mais réagit mal à la désillusion en découvrant le colosse aux pieds d'argile (sic).

Côté face, toujours sous une obédience Grand Guignol et un humour "sanglant" à grand renfort d'hémoglobine, les scènes d'action, propices aux décharges d'adrénaline, dont celle magistrale version "Mourrons sous la pluie" avec le héros qui abat ses adversaires sans jamais se départir de son parapaluie tenu à la verticale, sont réglées, exécutées, filmées (par Lee Sung-je) et montées (par Jin Jang et Yang Dong-yup) de manière virtuose.

Côté pile, par son esthétisme, la partie "gender movie" ne verse jamais dans la trivialité et les voyeurs alléchés par le titre français, "L'homme en talons hauts", en seront pour leur frais. Et, en marge de ce monde de brutes, une trinité féminine symbolique, la vie, le réel, le rêve : une jeune femme énamourée aux allures de collégienne (Esom), le transexuel pragmatique (Lee Yong-nyeo) qui connaît les revers de la médaille et une initiatrice à la beauté surnaturelle (Yoon Son-ha).

Un regret l'épilogue, au demeurant dispensable, qui, de surcroît, atténue le potentiel transgressif du film. Comme chez Marivaux, on peut jouer avec le feu mais sans bouleverser l'ordre social.