Réalisé par Paco León. Espagne. Comédie. 1h33 (Sortie le 27 juillet 2016). Avec Carmina Barrios , María León, Paco Casau, Yolanda Ramos, Estefanía de los Santos, Teresa Casanova, Alejandro León et Manolo Solo.

Les hasards du calendrier mettent à l'affiche deux films espagnols sur le thème de la mort avec une identité d'angle de vue, celui de la lucidité pragmatique : "Truman" de Cesc Gay, et "Carmina !", de l'acteur, scénariste et jeune réalisateur Paco León.

Si Cesc Gay" le décline en mode "bromance", pour "Carmina !", titre peu judicieusement tronqué pour la sortie française (le point d'exclamation substitutif supprimant la valeur ajoutée apportée par le "y amen" original), Paco León choisit le registre héroïco-comique pour dresser une burlesque épopée familiale, et un film en famille où il fait jouer sa mère, son oncle, sa soeur, son frère et même sa fille, le portrait-hommage saisissant d'une femme aussi atypique que fascinante et celui de femmes au bord de la crise dépressive sous obédience de l'almodovarienne figure tutélaire.

Un matin, sans un mot ni un cri, l'époux (Paco Casaus) de Carmina meurt subitement dans son fauteuil. Après le saisissement premier, elle retrouve ses esprit dont l'esprit pratique qui guide sa vie : le coup est dur d'autant que ce décès intervient malencontreusement deux jours avant le versement de la retraite maritale, argent dont elle a bien besoin, d'autant plus à ce moment notamment pour assumer les frais d'obsèques.

Elle décide donc de différer la déclaration de décès, met sa fille au courant pour l'épauler et n'ébruite pas l'évènement. Pendant cette inhabituelle veillée funèbre "en catimini", et alors qu'elle se calfeutre chez elle dans l'attente de la délivrance du lundi, c'est un défilé d'indésirables et un concert de lamentations.

Dont celles, désopilantes, de la névrosée paranoïaque (Mari Paz Sayago), la mère dépressive avec un chien fugueur et un fils débile (Teresa Casanova) et l'illuminée pratiquante de "pétards" et du reiki et officiante du téléphone rose (Yolanda Ramos).

Avec son regard vert magnétique, Carmina, dont le prénom "rouge" correspond bien au tempérament de cette pétulante quinquagénaire qui, dans sa jeunesse fut certainement une beauté et, selon l'expression familière, "un sacré numéro", est la figure de la déesse-mère, de la solide matrone, de la femme puissante, de la mère-louve qui porte - et supporte - sa famille et tient la dragée haute aux autres.

Elle est interprétée, et magnifiquement incarnée par Carmina Barrios, la mère du réalisateur, muse à qui le film est dédicacé et actrice non professionnelle qu'il a déjà mis devant la caméra en 2012 dans "Carmina o revienta", son premier long métrage, et dont les gros plans révèlent sa tendresse et son amour filial.

Ce deuxième volet des aventures de Carmina constitue une savoureuse fresque plébéienne sévillane inspirée de personnages dont la ressemblance avec des personnes existantes n'est pas purement fortuite ce qui le dote d'un bienvenu et attachant vérisme.

En route pour un triptyque ? Peut-être pas mais un réalisateur à suivre d'autant que son troisième opus est déjà en salle en Espagne.