La Réunion des musées nationaux-Grand Palais et la Fondation Calouste Gulbenkian à Lisbonne proposent de découvrir l'oeuvre du peintre lusitanien Amadeo de Souza-Cardoso (1887-1918) dont la mort prématurée et le refus d'affiliation à un mouvement artistique l'ont relégué dans la nébuleuse des avant-gardes modernes éclipsée par leurs figures majeures.

L'exposition-rétrospective se déroule selon un parcours chrono-thématique scandé par plusieurs centaines d'oeuvres sélectionnées par la commissaire Helena de Freita, historienne de l’art et conservateur de la Fondation précitée.

Présentée dans la scénographie sobre réalisée par Sylvie Jodar à la manière "white cube" propice au colorisme exacerbé pratiqué par l'artiste, elle révèle une étonnante et foisonnante oeuvre kaléïdoscopique.

Amadeo de Souza-Cardoso : "Nous, la nouvelle génération, il n’y a que l’originalité qui nous intéresse. Impressionniste, cubiste, futuriste, abstractionniste ? Un peu de tout."

Effectivement, l'oeuvre de Amadeo de Souza-Cardoso c'est "un peu de tout" ce qui donne l'impression de feuilleter l'Histoire de l'Art moderne, ses références étant aussi multiples que débridée et hypersensible est sa dynamique créatrice, ainsi que le résume la bande-annonce de l'exposition.

Né dans une famille aisée, Amadeo de Souza-Cardoso, plus dandy persuadé d'avoir un destin à accomplir qu'artiste bohème, il a 19 ans quand il arrive à Paris.

Fréquentant le foisonnant Montparnasse cosmopolite, il fait ses gammes en se confrontant aux expérimentations formelles des avant-gardes, sans en partager nécéssairement les considérations conceptuelles, avant de retourner sur sa terre natale en 1914 pour y mourir en 1918 sans avoir eu le temps de parvenir à sa maturité artistique.

Ainsi navigue-t-il du figuratif à l'abstrait, pratiquant une diversité stylistique lui conférant les qualificatifs d'artiste pluriel aux multiples facettes, d'artiste inclassable et éclectique, et que Catherine Grenier, directrice de la fondation Aberto et Annette Giacometti, rattache judicieusement, dans l'essai inclus dans le catalogue, à un "trouble de la modernité".

Ainsi se déclinent dans une palette chromatique riche et exubérante, le japonisme ("Paysage avec oiseaux"), le primitivisme naïf du Douanier Rousseau ("Le saut du lapin"), l'impressionnisme ("Montagnes"), le protocubisme avec la composition cézanienne ("Bellevue"), le cubo-futurisme ("Zig-Zag-Arabesque dynamique"), l'expressionnisme allemand, tant Der Blaue Reiter ("Retour de chasse") que Die Brücke ("La Maison de Manhufe"), le futurisme ("Procession"), le cubisme (" L'ascension du carré vert") et sa thématique des instruments ("Canard violon insecte") et l'orphisme avec les cercles chromatiques des Delaunay ("Etude B").

Une travée aux cimaises rouges met l'accent sur une oeuvre personnelle, la série des "Têtes-Océan", têtes-masques résultant d'une hybridation singulière et originale combinant les éléments du protocubisme, de l'expressionnisme et de l'orphisme.

De même s'agissant de la série "XX Dessins", encre de Chine et mine graphite sur papier, publié en recueil en 1912 qui attestent de sa maîtrise du trait, de la composition rythmique et du syncrétisme entre le primitivisme et l'art africain.