Ecoutez ce son doux, dur et dingue à la fois. Une sorte de groove de rue à la gouaille d’une Piaf et un timbre doucement éraillé, c’est Anastasia et Aqua Toffana, son second album sur les ondes de nos tympans affamés d’authenticité.
C’est avec ses cordes qu’elle débuta, toute seule comme une grande, avec certainement un bon paquet d’amis et de portes entrouvertes. Tété, Oldelaf, -M-, Rover, Jane Birkin et Brigitte Fontaine l’ont choisie pour partager un coin de scène. Puis elle étoffa sa maîtrise et ses créations qu’elle présenta en tête d’affiche et sur son premier album : Beau parleur. Pas de raison d’arrêter, Aqua Toffana arrive, riche des expérimentations et des clichés inévitables des seconds albums : celui de la maturité ? Héhé, fallait bien la caser celle là, ils disent tous ça…
Des bruitages aquatiques, des cordes, du vent et de l’air, des souffles, des chœurs, des accompagnements minimalistes et des rimes musicales, l’album est fait de ça. Entre slam et hip-hop, douceur et ondulations concentriques, Anastasia sait être simple et développer ses échos d’ubiquité, comme si elles étaient plusieurs à l’intérieur.
"Qui se donne en entier n’en exige pas moins, je brigue mon égo dans un complexe mégalo" ou de cet amour qui écrase la fierté et fabrique des fantasmes de tous bords ("Ego"). Ah, l’amour, ça fait grandir, ça pousse au mieux, ce n’était pas simple et ça ne fonctionne pas à tous les coups : "Je m’étouffe avec ma salive, pense à ce que je vais faire de toi, on misait sur des rives à moitié fous, ce n’était pas un jeu, c’était nous deux".
"Je lisais de la poésie, distinguais des silhouettes sur le bois décrépi, je pouvais apprivoiser des foules inquiètes quand elle n’était pas là". "Fracas" est une jolie poésie en forme de gloire aux pensées vagabondes qui nous surprennent toujours tout le temps, pour rien, quand on prend conscience qu’aimer nous montre les beaux côtés.
Aqua Toffana est féminin, versatile comme une eau vive, bienveillant et protecteur, attentionnée et amoureuse. Gare à la trahison, attention à la morsure en cas de blessure. L’amour, la mort, la vie, la fin. Une femme trompée est une guerrière, une femme aimante est une guerrière, Anastasia est une guerrière.
Armée de cordes pincées ou vibrantes, de percussions retenues, Anastasia tisse son album autour de la puissance de sa féminité. Sa voix chaude et douce scande ou ondule à la faveur de ses maux, comme une prêtresse chamane le ferait d’incantations protectrices. Les notes s’évaporent dans une intense brume bienveillante.