Dix ans après la première exposition thématique "Tatu Tattoo" qui s'est tenue aux Musées Royaux d’Art et d’histoire de Bruxelles, et reprenant ce mode de titrage allitératif, le Musée du Quai Branly propose avec "Tatoueurs, tatoués" une exposition consacrée au tatouage.

Ce qui, a priori et sur le papier, n'est pas antinomique dès lors que le tatouage constitue une pratique ancestrale et universelle.

Toutefois le commissariat n'est pas assuré par des sommités de l'ethnologie mais par Anne & Julien, entre autres performers, journalistes, auteurs et réalisateurs, et notamment fondateurs de la revue "HEY ! modern art & pop culture" consacrée à l’art plastique underground actuel correspondant à la nébuleuse des arts dits "outsiders".

Avec la collaboration, au titre des conseillers techniques, de Sébastien Galliot, anthropologue spécialiste du tatouage samoan, et Pascal Bagot, journaliste co-réalisateur d'un documentaire sur le tatouage japonais, et, au titre de consultant artistique, Tin-Tin, artiste tatoueur français de réputation mondiale, ils ont réalisé une exposition essentiellement iconographique qui se veut une mise en perspective la dimension artistique du tatouage.

Le tatouage : de la pratique à l'art

Appréhender le tatouage, pratique transnationale; polysémique et protéiforme, de manière planétaire et à travers les siècles, et ce, de façon exhaustive, tout en présentant un panorama des pratiques contemporaines s'avère une entreprise d'envergure doublée d'un véritable challenge compte tenu des dimensions de l'espace muséal offert par la mezzanine Ouest.

L'exposition se déroule donc de manière circonvulatoire et les commissaires ont opté pour un fil directeur chronologique.

A savoir l'évolution spatio-temporellle, appréhendée de manière géographique illustrée par plusieurs centaines d'oeuvres, de documents tels l'album original du tatoueur Rich Mingins, quelques peaux tatouées et de photographies de corps tatoués des cinq continents.

Le parcours est ponctué d'inserts thématiques dont celuii consacré au "side show" avec l'apparition aux Etats-Unis du tatoué comme phénomène de foire et de cirque qui en France, par exemple, constituait un numéro de music-hall.

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L'approche analytique laisse au visiteur le soin d'en tirer un enseignement qui se décline en trois axes.

Du point de de vue du tatoué, il y a lieu de constater la pérennité des fondamentaux historiques, anthropologiques et esthétiques quant à la fonction du tatouage. Du rituel des sociétés primitives au tribalisme post-moderne, quels que soient ses avatars - communautarisme (corporatiste, métaphysique, ethnique...) gangs, marginalité, marges, rebelles - il est question d'appartenance et d'identité.

Toutefois, la "démocratisation" du tatouage et sa visibilité médiatique a induit un phénomène de mode qui a favorisé la prééminence de la composante esthétique avec la vogue du tatouage purement ornemental.

S"agissant du tatoueur, deux novations majeures sont intervenues. D'une part, au 19ème siècle, en sortant l'artisan de l'anonymat qui ne revendique pas seulement un savoir-faire technique mais une reconnaissance en termes de créativité.

D'autre part, au 20ème siècle, l'émergence du body art, pour lequel les pratiques de modifications corporelles dont le tatouage, constituent un des modes d'expression, tend à conférer aux tatoueurs expértimentés et notoirement reconnus, les "maîtres tatoueurs", le statut d'artiste.

La référence artistique n'est cependant pas totalement nouvelle.

Ainsi, par exemple, en Chine, dès le premier millénaire, le tatouage empruntait à la symbolique véhiculée par les arts majeurs et au Japon, le tatouage reprenait les motifs de l'art de l'estampe.

Enfin, en ce qui concerne le tatouage, il y a lieu de constater que la pratique moderne et contemporaine perpétue les styles graphiques originels ( tribal, chicano, asiatique, celtic...).

La "réinterprétation" tient essentiellement à l'utilisation des nouveaux sujets graphiques tels ceux issus des comics et des mangas ("old scholl", "new school") ou à des motifs typographiques tel le pixel.

Un focus est consacré aux nouveaux encrages avec quelques projets de tatouages récents (Duncan X, Guy Le Tatooer, Jonas Nyberg).

Point d'orgue de l'exposition, des oeuvres ont été créées spécialement pour l'événement par des tatoueurs réputés du moment.

Peints sur kakémonos, ils sont rattachés ux diverses sections du parcours de même que les tatouages en trois dimensions effectuées sur des troncs et membres recouverts d'un matériau expérimental imitant la texture de la peau (Filip Leu, Tin-Tin, Xed Lehead).