Comédie dramatique de Lars Noren, mise en scène de Philippe Baronnet, avec Elya Birman, Nine de Montal, Camille de Sablet et Samuel Churin.

Lieu tragique par excellence, la famille, est au coeur de la pièce "Bobby Fischer vit à Pasadena" de Lars Noren première période, celle de la dissection à vif de la déliquescence famille bourgeoise suédoise.

Dans un appartement bourgeois, une famille, le père, la mère et les deux enfants adultes se retrouvent après une soirée au théâtre.

Et commence la représentation d'une autre pièce, celle de la névrose familiale avec des rôles établis : le fils est psychotique, la fille alcoolique, le père démissionnaire et la mère hystérique.

C'est cette dernière qui déclenche les hostilités, entre cris et chuchotements, réclamant son dû au sacrifice de sa carrière d'actrice immolée sur l'autel familial, un sacrifice mal récompensé par un mari qui la délaisse, un fils qui la repousse et une fille qui la déteste.

Dans cet huis-clos délétère en forme de partie d'échecs inachevée, toujours recommencée et close par un pat, sans que jamais que la catharsis ne soit totalement consommée comme par crainte de la résolution d'un conflit qui serait plus douloureuse que sa perdurance, à la manière d'un "ni avec toi ni sans toi", s'épanouit l'écriture labyrinthique et intellectuelle de Lars Noren, au sens où elle s'adresse à l'intellect du spectateur plus qu'à ses affects, dans laquelle les paroles, les non-dits - et même les silences - peuvent être d'une violence extrême.

La mise en scène de Philippe Baronnet révèle sa parfaite maîtrise de la dramaturgie imprimée par l'auteur qui livre un opus-puzzle dont manquent des pièces laissant le soin au spectateur - spectateur qui est extirpé de la position ambiguë du voyeur invisible par le dispositif quadrifrontal sans noir de salle qui l'immerge totalement dans l'espace scénique - de subodorer les causes de cette pathologie familiale.

La direction d'acteur est à l'avenant, la distribution parfaite et l'interprétation juste, précise et éloquente. Incarnation impériale de la mère, Nine de Montal a le charme venimeux de la bourgeoisie et du chantre "moral" de la famille entendue comme un inexorable et inéluctable "radeau de la Méduse".

Face à elle, Samuel Churin et Elya Birman, respectivement le père et le fils, sont tous deux remarquables dans des partitions intériorisées de "taiseux". Dans le rôle de la fille écorchée vive, Camille de Sablet, déjà remarquée dans les représentations publiques lors de sa formation au CNSAD, confirme un rare potentiel dramatique.