Ceux qui ont vu Fellag sur scène retrouveront dans son premier roman intitulé "Rue des petites daurades", paru en 2001 et récemment réédité aux Editions du Seuil dans la collection Points, l'intelligence malicieuse, l'humanisme sans faille, la subversion verbale et l'humour de fer délivré avec un gant de velours, les anecdotes cocasses et les vraies histoires graves qui nourrissent ses spectacles.

Et les autres découvriront sa verve roborative, son regard sans complaisance sur la bêtise humaine mais toujours humaniste sur l'homme et son talent de conteur philosophe.

D'une plume élégante et souvent poétique, Fellag dresse, avec en fil rouge l'histoire d'un jeune clandestin algérien, la chronique fictionnelle d'une rue du Paris populaire qui constitue un microcosme bigarré et métissé où se croisent et cohabitent tant bien que mal des petites gens de tous horizons et nationalités.

Sans famille, Farid a quitté son pays pour venir vivre à Paris où il commence par exercer son "métier" de pickpocket, mais à la manière de Robin des Bois en prélevant sa dîme de préférence sur les plus favorisés, avant de s'acheter une conduite. Habile de ses mains, et pour cause, il devient monsieur dépannage tous corps de métier, au noir bien sûr, ce qui arrange tous ceux pour qui, comme pour lui, le quotidien est régi par le système D.

Et puis il rencontre l'amour avec Wanda la jolie émigrée serbo-croate ce qui le motive encore davantage sur le chemin de l'intégration pour briser la spirale de la fatalité de la marginalité, de l'intolérance et de l'ostracisme et rêver non seulement d'acheter une petite maison sur la colline mais d'une humanité réconciliée et généreuse.

"Rue des petites daurades" se décline comme une galerie de portraits réalistes, sans angélisme, tantôt savoureux, cocasses ou pathétiques, de personnages au destin brisé, cabossés par la vie, parfois peu recommandables, mais pour lesquels Fellag cherche, et trouve, leur part d'humanité. Car il espère et croit que les hommes de bonne volonté sauront se construire un avenir commun.

Il y a Georges, le gardien de la Résidence des cerisiers, "centre de transit pour les gens du tiers-monde entier", ancien para qui a fait la guerre d'Algérie et ouvrier de Renault et son éducation n'a pas "préparé à orienter ses épanchements vers les races inférieures" et qui travaille sa haine des Arabes dont la confrontation permanente avec la source de sa haine" est sa raison d'être.

Et puis Sergueï, le Juif ukrainien, "le saule pleureur" jouer de balalaïka, symbole de l'âme russe "cette intouchable, cette éternelle émotion qu'aucun obus, aucune balle, aucune dague ne peut atteindre parce qu'elle est au-delà de la chair, de l'os et du sang", Nicolas que la quête de la jouissance ostréicole a rendu fou, Monsieur X, le sidéen, dont la dispersion des cendres va donner lieu à un épisode dantesque.

Et puis encore d'autres à découvrir dans cette fable contemporaine hymne à l'amour et à l'alterité, figures métaphoriques à l'instar de ces petites daurades argentées qui se prennent pour des poissons volants si joliment dessinées par Jacques Ferrandez pour l'illustration en couverture.