Comédie satirique écrite et mise en scène par Jean-Michel Ribes avec Jean-Damien Barbin, Emeline Bayart, Catherine Beau, Mylène Bonnet, Patrick Dutertre, Annie Grégorio, Christian Hecq, Micha Lescot, Patrick Ligardes, Anne Saubost, Eric Verdin et Béatrice Warrand.
Avec "Musée haut, Musée bas", Jean Michel Ribes, l’œil vif et la plume acérée, dresse un état des lieux du monde contemporain, et de culture de masse, face à l’art du moins à celui qui est entré dans le musée, c’est-à-dire celui qui ayant reçu la reconnaissance officielle fait partie du culturellement admirable, devant lequel les foules ignares, les élites pédantes et les cultureux de tous poils doivent se prosterner.
Certes, le culturel, cheval de bataille des années Malraux, est devenu du prêt à consommer. A force de vouloir démythifier l’art et le faire descendre de son piédestal réservé aux élites, il est descendu dans la rue, dans le langage, dans les tasses à café et tout acte de l’homme tendrait vers l’œuvre d’art, art contemporain oblige, même le meurtre de sa mère. N’y a-t-il pas un musée du pain ? N’expose-t-on pas des pipis-cacas ?
Mais plus qu’une critique de l’art, Jean Michel Ribes agit en sociologue malicieux pour épingler le comportement de ses contemporains.
Il nous propose donc une visite ininterrompue d’un musée imaginaire et universel dans lequel défilent des silhouettes multicolores dans lesquelles chacun de nous pourra se reconnaître.
Face à l’ampleur de la tâche et à la diversité des sujets, il opte pour une suite de sketches, formule qui lui valut avec les séries "Merci Bernard" et "Palace" une belle renommée, et lui permet d’œuvrer dans tous les registres de l’art théâtral, de la farce au drame, de l’hyperréalisme à l’absurde.
Faisant flèche de tout bois, il égratigne tout le monde : les conservateurs de musée qui sont devenus des directeurs de musée, nuance ô combien révélatrice, les professionnels de l’art comme les néophytes qui trouvent la Vénus de Milo bien petite.
La pièce démarre avec la guide des perspectives (l’excellente Annie Grégorio) qui nous entraîne pour un parcours déstructuré dans un univers à la Eischer pour enchaîner des moments tout à fait épiques et hallucinants comme de l’influence de l’œuvre d’art sur la santé morale et physique des gardiens de musée, l’égotisme monomaniaque qui conduit à se percevoir comme une œuvre d’art vivante à l’image des fameux Gilbert et George devenus pour l’occasion Sulki et Sulku ou l’art contemporain hermétique dans lequel ce sont les visiteurs qui constituent l’œuvre d’art, du pur burlesque avec les hordes de touristes qui cavalent derrière un guide armée d’un moulin à vent multicolore.
Derrière le propos principal, à la manière des poupées russes, Jean Michel Ribes y greffe parfois des considérations comme de l’art de la conversation qui est devenu indigent dans les rendez-vous ou les prérogatives exorbitantes des critiques qui sont savoureuses.
Et puis, Ribes enfourche un autre cheval de bataille qui prend la forme d’un combat quasi réactionnaire en réaction à la vogue écologique dictatoriale du moment, contre la chlorophylle et les écologistes en estimant que "le discours lénifiant de l’écologie comme salvation de l’homme est non seulement barbant mais dangereux pour l’art, c’est-à-dire l’artifice, qui nous a sorti des cavernes et nous a sauvé de ce que le scoutisme vert veut essayer de nous refourguer" ce qui donne des bouffées délirantes parfois cocasses parfois ridicules, la nature reprenant ses droits et envahissant le musée jusqu’à sa destruction ultime : "Homme tu n’es qu’un singe et tu retourneras dans ta caverne !".
Toutefois si ce format du sketch paraît particulièrement adapté à la satire dans la mesure où il permet une synthèse percutante, l’accumulation de sketches deux heures durant et parfois une certaine récurrence conduisent à une relative saturation de l’attention qui finit par avoir l’effet inverse de celui escompté.
Mais ne boudons pas notre plaisir : Jean Michel Ribes a du talent et les comédiens tiennent la distance !