Féérie libanaise conçue et mise en scène par Issam Bou Khaled, avec Bernadette Houdeib et Said Serhan.

Avec "Banafsaj", l'auteur et metteur en scène libanais Issam Bou Khaled propose, après "Maarch" et "Archipel" le dernier volet de sa trilogie consacrée à la guerre et à la mort qui constituent le quotidien historique d'un "pays raté", son pays le Liban.

La femme sans corps et l'homme-chien, déjà un titre de fable, sont les deux personnages de ce spectacle sous titré "La violette rêvée" et présenté comme une féerie burlesque qui, comme Issam Bou Khaled l'indique avec son sens de l'humour noir, ne raconte pas la vie en rose mais en violet, et qui plus est en violet foncé, la couleur des hématomes.

Dans un des sous-sols du néant, sans Dieu ni Diable ce qui n'empêche peut-être pas d'être, une femme mutilée, qui tente de se reconstruire pour partir à la recherche de son bébé qui lui a été enlevé, rencontre un homme enchaîné qui a été déshumanisé, un fauve rugissant.

Une tête, un corps, une rencontre pour une une parabole d'aujourd'hui et un conte de demain qui porte tout le malheur du monde causé par la barbarie des hommes, une barbarie qui ne connaît pas de pause et prélève inexorablement son tribut sur le corps massacré des hommes, une barbarie qui se nourrit de la guerre, de la dictature et du terrorisme.

Tant que demeure une lueur de conscience et d'énergie vitale même quand l'homme est enchaîné, torturé, avili, déshumanisé le possible existe encore. Et pour ces personnages, au corps mutilé ou au corps enchaîné, dépourvus de leur corps-véhicule c'est par le corps, corps réinventé ou corps retrouvé, que l'espoir fleurit le temps d'une souffle, d'un rêve, d'un espoir.

Sur le plateau nu plongé dans l'obscurité d'un cul de basse fosse, les capacités corporelles et émotionnelles des deux comédiens, Bernadette Houdeib, sublime, et Saïd Serhan, qui réalisent un magnifique travail d'interprétation notamment plastique, donnent à ce conte politico-poétique surréaliste une éblouissante force tragique.

Ce spectacle confirme, si besoin encore était, la pugnacité du théâtre pratiqué par Issam Bou Khaled dont le spectateur français peut découvrir et suivre les créations grâce à la programmation éclairée et exigeante du Tarmac, dirigée par Valérie Baran, la seule Scène internationale francophone en France.