Avec Jean-Bernard Pouy ("Samedi 14") et Pierre Bordage ("L'arcane sans nom"), Michel Quint est le troisième larron qui inaugure la nouvelle collection Vendredi 13 des Editions La Branche qui ont demandé à 13 romanciers renommés de jouer le jeu du polar au thème imposé, celui de cette date fatidique.
Dans "Closed-up", le vendredi 13 fixe la dead-line du promoteur immobilier Bruno Carteret telle qu'elle est annoncée par une vraie fausse voyante qui espère tenir ainsi l'instrument d'une double vengeance.
Car le monde est petit et le hasard n'existe pas. Même si la probabilité était faible pour que celui-ci mette les pieds dans le cabaret de second ordre situé dans un quartier excentré de Lille dans lequel la belle et mystérieuse Miranda fait un numéro de prestidigitation.
Plus encore qu'il soit maladivement superstitieux, au point de croire sa prédiction et qu'elle est son ange gardien capable de l'avertir des pièges qui lui seront tendus, et vraiment victime d'une agression. Petit grain de sable qui met un bémol à son projet à peine ébauché d'autant que de surcroît, elle n'est pas insensible au charme de sa victime.
Dans le brouillard d'un automne lillois, Michel Quint imagine une intrigue socio-sentimentale qui met en relation deux univers sur fond de lutte des classes.
D'une part, le petit monde des artistes de cabaret à la petite semaine, ceux qui travaillent dans le cabaret "Le Quolibet" de Jacky, pianiste, Monsieur Loyal des attractions et imitateur à l'occasion, dans lequel se produisent Bric et Broc, les tristes clowns musicaux, Nelly, l'effeuilleuse rousse aux yeux verts appétissante comme "une pâtisserie crémeuse avec une tombée de cassonade dessus" et à l'âme pure qui fait également office d'hôtesse, de barman et de demoiselle du vestiaire, et Miranda, belle femme coiffée à la Lulu aux yeux lavande, "une vigne blonde au muscle noueux, le visage sculpté à grands coups de pouce, ce demi-sourire d'ironie, et le bleu Vermeer de ses yeux" issue du prolétariat durement touché par les fermetures d'usine et les délocalisations.
De l'autre, les grandes familles du Nord avec le clan Vailland, la bourgeoisie d'affaires qui tripatouille dans l'immobilier et doit composer, notamment par la voie du mariage, avec les nouveaux riches, qui ont su profiter de l'ascenseur social, vrai panier de crabes qui brûle peut-être ses dernières cartouches car le ver est dans le fruit.
L'auteur déroule lentement le fil d'une intrigue à engrenage solidement tenue et distillée dont les tenants et les aboutissants sont ancrés simultanément dans l'histoire contemporaine de sa région, le Nord-Pas-de-Calais, et dans le passé de personnages dont certains évoquent, par transposition à la française, les figures mythiques du roman noir.
Comme toujours chez Michel Quint, la vérité n'est pas monolithique et les personnages, jamais manichéens, ne sont ni coupables ni innocents. Ils sont toujours humains et, à ce titre, faillibles.