Haight-Ashbury - voilà un nom qui fleure bon le Summer of love californien. Et de fait, ce tout jeune trio venu de Glasgow assume les plumes dans les cheveux, les photos sépia et les accords de sitar.

Qu'on ne s'y trompe pas : leur premier album Here In The Golden Rays dépasse la bricole nostalgique. Entre les voix envoûtantes de Jen et Kirsty, une certaine salissure grunge et les cordes habiles de Scott, ce petit bijou psyché-rock ne s'interdit pas de nous surprendre. Rencontre au 104, la veille de leur premier concert hors du Royaume-Uni, à l'occasion de la dernière Nuit Ouf.

Le nom de votre groupe évoque un moment particulier de l'histoire de la musique, la pochette de votre album rappelle furieusement Workingman's dead des Grateful Dead... Certes, on retrouve une couleur psychédélique dans vos compositions, mais pourquoi avoir choisi d'être aussi clairement référentiel ?

Kirsty : Ce sont les influences de toute notre vie. Nous n'avons pas décidé délibérément de faire un album psychédélique. Scott jouait avec d'autres groupes, Jen et moi avons chanté ensemble pendant des années mais de manière plus pop, et quand le trio s'est formé le "bruit" psychédélique s'est développé, aussi bien live qu'en studio.

Scott : Tout est plus ou moins lié, les choses se sont faites progressivement pour nous conduire à ce que nous sommes aujourd'hui. C'est drôle que vous ayez remarqué la pochette de l'album, on ne nous en parle jamais ! Ce n'était pas destiné à être une référence si directe, c'était plutôt subconscient. Ce sont simplement les choses que l'on aime et que l'on trouve cool.

Kirsty : On se connait depuis toujours. Scott et moi sommes frère et sœur, je connais Jen depuis nos 5 ans, on a grandi dans un environnement similaire et ça a évolué au cours des années.

Il y a un passé psychédélique à Glasgow, Donovan, Primal Scream, dont votre album rappelle un peu les débuts. Est-ce que c'est le genre de musique que vos parents écoutaient ?

Scott : Non pas spécialement ! C'est drôle, on parlait justement de Primal Scream hier dans une conversation sur les groupes écossais. En fait de groupes originaires de Glasgow, je penserais plutôt à The Jesus & Mary Chain dont je suis un grand fan. Nous n'avons jamais vraiment pris conscience de l'importance de l'influence écossaise dans l'album, plutôt de l'influence californienne.

D'ailleurs, vous n'avez pas l'accent écossais quand vous chantez, vous sonnez plutôt américains, et dans le même temps on trouve un rythme très celtique dans "Sympathetic strings" par exemple.

Scott : Oui, elle a une structure celtique. Il y a quelques années j'ai joué beaucoup de chansons folkloriques écossaises pour le mariage d'une cousine où Kirsty était demoiselle d'honneur, c'est exactement cette sonorité qui s'est infiltrée dans "Sympathetic strings". Je trouve bien que quelque chose de celtique en émerge, malgré la forte présence d'un son oriental avec le sitar.

Vous considérez-vous plutôt comme un groupe écossais ou californien ?

Kirsty : Nous sommes toujours écossais mais je n'aime pas chanter avec un accent écossais, on ne devrait pas être capable de deviner d'où viennent les gens en les écoutant chanter.

Scott : A Glasgow, la plupart des groupes qui se font remarquer chantent avec un accent écossais très marqué ; on n'a pas cette démarche du tout, même si ce sont de très bons groupes.

Kirsty : Là encore ce n'est pas vraiment réfléchi de notre part, c'est venu comme ça et tant mieux.

Vous prévoyez de vous produire un jour à San Francisco ?

Jen : On adorerait ! Jouer au croisement des rues...

Scott : Ça ferait une bonne pochette d'album.

Il y a une petite différence d'âge entre vous, est-ce que vous écoutiez le même genre de musique à l'adolescence ?

Kirsty : On a grandi à la même époque et dans le même contexte donc on a des influences communes... Jen et moi sommes meilleures amies, nous avons eu notre période où nous écoutions de la musique très mainstream ; on écoute de la pop quand on grandit, il n'y a pas de quoi avoir honte !

Scott : La musique que l'on écoutait tout le temps à la maison, avec laquelle on s'endormait quand on avait 4 ou 5 ans, et avec laquelle on se sentait bien, c'était Blue et tous les albums de Joni Mitchell. Mais quand les filles étaient ado, elles écoutaient de la pop, moi j'étais à fond dans le grunge, puis j'ai exhumé la collection de vinyles de mon père et je les ai tous écoutés. Nous avons été chacun dans des groupes différents, et quand le moment est venu de jouer ensemble ces différentes influences se sont mélangées. La pop apporte des mélodies accrocheuses que l'on retient, c'est intéressant d'avoir ces différentes sources.

Kirsty : On a commencé avec les mêmes influences, puis on a pris des chemins différents et on est revenus à notre point de départ.

Quand le trio s'est-il formé ?

Kirsty : Il y a trois ans Jen et moi jouions dans un groupe, et les autres musiciens ne pouvaient pas participer à un concert, alors on a demandé à Scott de se joindre à nous. C'était un concert acoustique à l'université de Glasgow, on était extrêmement à l'aise pour jouer ensemble, on y a pris énormément de plaisir alors les mois qui ont suivi, progressivement, on est devenus un groupe.

Scott : En plus tout le monde a dit que le concert était génial !

Comment est fait le travail de composition ?

Kirsty : On compose tous ensemble : des idées émergent, on les réunit, elles évoluent et avec le temps elles finissent par former des chansons. Par exemple pour la chanson "Don't let your music die", la fin est tirée d'une chanson datant de quand on a commencé à jouer ensemble, elle ne durait qu'une minute alors, mais on aimait vraiment ce passage et on s'est dit qu'elle pourrait bien s'intégrer à ce qui précède.

Scott : Le groupe fonctionne beaucoup par allers-retours avec le studio. On fait des essais d'enregistrement une ou deux fois par semaine. On ne s'est pas assis un jour pour enregistrer et sortir l'ensemble de chansons, mais on a travaillé de manière continue à enregistrer, puis revenir sur les morceaux, se dire que ceci se marierait bien avec cela. Quand on a commencé le groupe, j'avais très clairement en tête que je ne voulais pas faire des chansons sur un format stéréotypé de 3 minutes, je n'écoutais plus ce genre de musique, j'avais envie de faire quelque chose de différent. On a eu envie de faire plein de chansons d'une minute, pas plus, juste pour maintenir la curiosité, que les gens ne s'installent pas dans un confort d'écoute et restent curieux de ce qui pourrait survenir après. Puis on a agrégé des chansons brèves à d'autres, ça a fait des chansons de 7 minutes ! ça faisait comme une longue maquette sur laquelle on a fait beaucoup d'allers-retours.

Jen : Ça été un assez long processus.

On le devine en écoutant "Favorite song" : il y a des entrelacements de voix, plusieurs niveaux,des effets...

Kirsty : Oui, elle a une ambiance assez rêveuse.

Scott : En même temps elle est assez normale, c'est une chanson pop de 3 minutes ! Enfin, presque. (rires)

Kirsty : On n'est jamais allé tellement plus loin en termes d'effets que des harmonies à 3 niveaux, pour que le live ne soit pas trop éloigné de l'enregistrement.

Au final, il y a beaucoup d'écart entre votre son live et l'album ?

Jen : On n'espère pas, on essaie de faire en sorte que ce soit le plus proche possible.

Scott : Quand on fait l'enregistrement, on fait en sorte de ne pas s'écarter trop des instruments que l'on utilise sur scène, je pense que ça aide. Jen joue de la batterie debout et chante, Kirsty joue de la basse, du coup on n'en fait pas trop avec la batterie dans les enregistrements.

Qui écrit les paroles ?

Kirsty : Nous tous, comme la musique. La plupart du temps on écrit en yaourt, puis on réécoute et on se dit : "ça pourrait coller avec ces mots-là".

Scott : Les mélodies sont toujours plus importantes.

Kirsty : Oui, c'est toujours la mélodie qui vient en premier, puis les paroles.

Scott : On nous a déjà fait remarquer des thèmes récurrents dans les paroles mais on n'a pas fait exprès.

Kirsty : Par exemple le soleil revient beaucoup, la lumière, ce sont simplement des images que l'on aime.

On peut entendre un sens féministe à votre single "Freeman's town"...

Scott : On nous a déjà dit ça plusieurs fois au Royaume-Uni mais ça ne nous avait pas traversé l'esprit !

Kirsty : Pour nous c'est simplement une chanson sur le fait de ne pas avoir envie de rester bloqué au même endroit, sur la liberté. Les gens peuvent le prendre comme ils l'entendent.

On parlait beaucoup d'amour libre à l'époque psychédélique.

Kirsty : Il se trouve que l'on a une chanson qui s'appelle "Free love", mais elle n'est pas sur l'album.

Quels sont vos projets ?

Kirsty : On aimerait revenir en France pour une vraie tournée.

Scott : On a d'autres festivals prévus en Europe, en Italie, et avec un peu de chance on sera de retour cet hiver. Pour l'instant on a juste envie de faire de la scène, on commence à jouer de nouvelles choses et à développer de la matière pour un futur album. Ici le public ne nous a pas encore vus, mais en Écosse les gens nous ont déjà vus plusieurs fois, c'est bien d'introduire de la nouveauté.