Texte de A-R Gurney, mise en scène et interprétation par Isa Mercure et Gilles Guillot.
Alexa et Thomas ont huit ans lorsqu'ils s'envoient leur première lettre. Ils ne cesseront plus jamais, et cette conversation épistolaire, qui durera près de soixante ans, se poursuivra de l'enfance à la vieillesse, en passant par l'adolescence et l'âge adulte.
Invitations formelles, mots griffonnés à la hâte, confessions intimes, maladroites déclarations d'amours, appels au secours d'adultes à la dérive : les deux personnages relisent sur scène toutes les lettres qu'ils se sont envoyés, comme autant d'évocations furtives, de petites touches parsemées qui dessinent le tableau de leurs vies.
Superbement écrite par A-R Gurney, avec une progression émotionnelle parfaitement rythmée, "Love letters" est avant tout une pièce d'une grande pureté, car elle raconte, sans un mot de trop et par la bouche même de ses protagonistes, l'histoire d'une relation et à travers elle, de deux vies faites d'espérances, de renoncements, d'échecs et de petits bonheurs mêlés.
Se retrouvent en filigrane les éléments commun à toutes relations ou presque : difficulté de s'avouer puis d'exprimer ses sentiments, peur de l'autre et de soi, incompréhensions dues à la formulation, ou tout simplement quiproquo, les réponses arrivant dans un tout autre contexte.
La mise en scène est très simple puisque les deux comédiens, Isa Mercure et Gilles Guillot, sont assis côte à côte et lisent leur correspondance sans jamais se regarder. Pourtant rien n'est laissé au hasard, ni leur voix, ni leur regard, ni même leurs tics qui peuvent paraître anodins et contribuent cependant à faire monter la tension sensuelle et émotionnelle, tout en dévoilant peu à peu l'homme et la femme derrière le texte.
On découvre ainsi les personnes qui se cachent sous les mots, les dits et les non-dits et on sent vivre physiquement quatre personnages bien distincts : ceux des lettres et ceux de la scène.
Ce petit bijou de sensibilité et d'émotions, d'une beauté pure, simple et sincère, nous touchent d'autant plus que l'on peut facilement s'identifier aux personnages. En effet, qui n'a jamais écrit une lettre et à fortiori une lettre d'amour ? Qui n'a jamais ressenti l'envie d'exprimer à l'autre, sans le poids du regard ou la peur de ne pas trouver ses mots, ses désirs les plus profonds ?
Ce spectacle donne en tout cas la furieuse envie de (re)sortir sa plume et son papier en-tête et d'écrire une jolie missive à une personne chère.