Comédie dramatique d'après l'oeuvre éponyme de Choderlos de Laclos, mise en scène de Régis Mardon, avec Elise Auria (en alternance Coralie Coscas, Marie Delaroche, Maria Laborit (en alternance Christiane Melcer) Guylaine Laliberté et Michel Laliberté.
L’adaptation a du danger. Le roman est-il théâtral ? Il y a bien des pièces qui ne sont pas…du théâtre ! Le cinéma s’est emparé souvent, avec plutôt moins que plus de réussite, de l’oeuvre brûlante "Les liaisons dangereuses" de Choderlos de Laclos. D’excellents comédiens de cinéma ont tenté d’animer - parfois en anglais - ce texte représentatif du génie français. On a souri, grimacé, oublié ou…doublé.
Le metteur en scène Régis Mardon, flanqué d’un autre adaptateur, Pascal-Emmanuel Luneau, a choisi la technique du "retour en arrière" et placé le début de l’action en pleine Terreur. Avant son exécution, Madame de Rosemonde se souvient des intrigues épouvantables de son démon de neveu, le Vicomte de Valmont, aux prises avec la Marquise de Merteuil pour perdre une honnête sotte, Madame de Tourvel, une oie blanche, Cécile de Volanges et, par leur libertinage, éprouver les frissons de l’hyper-puissance.
Madame de Rosemonde, c’est la magnifique Christine Melcer, bouleversante grande dame brisée, qui éclaire de sa chandelle, cette nuit de la perversion et de la chute dont, elle, ne sortira que morte, victime expiatoire des vices de sa caste. A chaque apparition, sa forte présence et la sensibilité de son jeu intérieur provoquent émotion et désir d’en connaître davantage.
La diabolique marquise est incarnée par Marie Delaroche, belle, saisissante et vénéneuse, qui donne une touche très fine à un jeu sans outrance et donc, doublement efficace. Elle parait jaillir des lignes de Laclos tant son personnage "colle" à la description de l’auteur : vipère, devenue femme, qui écrit avec son venin.
Valmont est le beau Michel Laliberté, séducteur solaire et puits de détresse, que l’adaptation pousse un peu trop vers l’homme-accessoire, vaincu par les femmes, alors que c’est l’épée qui le tua. Et la rage de ses plaisirs.
Eloïse Auria, ravissante ingénue, est une Volanges convaincante, dont les malheurs excitent le loup et n’apitoient pas beaucoup. C’est une coquette en germe et cela, elle le joue fort bien. Enfi,n Guylaine Laliberté donne vie à la prude Madame de Tourvel, en rendant bien les naïvetés et les lourdeurs de cette dévote hystérique qui tombe avec volupté.
Les sublimes costumes de Camille Lamy et de Marlène Rocher, qui ne sombrent pas dans l’horrible minimalisme mais ressuscitent les tableaux de Madame Vigier-Lebrun, les savantes musiques baroques (plus celle d’un Hitchcock, de "Pas de printemps pour Marnie" ?) les lumières des bougies, l’utilisation inspirée des voutes historiques donnent à ce spectacle une beauté et une vérité qui séduiront et bouleverseront les amoureux de ce siècle crépusculaire.
Défi relevé.