Le Centre Pompidou organise la première rétrospective française de l'oeuvre de Nancy Spero, artiste américaine plasticienne et peintre, figure majeure de la contre culture, du pacifisme et du féminisme.
Une artiste "engagée" qui n'a jamais cessé de l'être malgré les ans ("Nancy Spero ne crie plus" titrait Dominique Poiret dans Libération lors de son décès en 2009), et dont la dernière oeuvre a été réalisée en 2007, alors qu'elle était atteinte de polyarthrite déformante, pour la 52ème Biennale d'Art Contemporain de Venise. Une installation intitulée "Maypole/Take no prisonners", qui dénonçait la guerre en Irak.
Conçue sous le commissariat de Jonas Storsve, conservateur conservateur au Cabinet d’art graphique du Musée National d'Art Moderne, l'exposition propose une déambulation chronologique au sein de l'oeuvre de Nancy Spero qui, d'une part travaillait en séries thématiques jusqu'à épuisement émotionnel, et d'autre part, a utilisé des techniques différentes.
Nancy Spiro, une femme en colère
Née en 1926, Nancy Spero est une femme et une artiste formée à l'art figuratif et expressionniste dispensé par l’Art Institute of Chicago. C'est également une femme ouverte au monde dans lequel elle vit. Cela suffit à décider de son destin d'artiste pour qui l'art doit témoigner et changer le monde - et qu'elle conçoit à titre personnel comme un exorcisme - et à décoder son oeuvre.
Une oeuvre puissante et violente qui relaie son militantisme voire son actionnisme politique.
Elle exprime ses manifestes, ses revendications, ses colères, son cri du coeur, qui touchent tous les domaines où le sexe est le levier de toutes les oppressions qu'il s'agisse de la guerre, de la condition féminine et du statut de la femme artiste dans le monde de l'art.
"Je peux parler plus directement (ou de manière biaisée) par la peinture et l'estampe, articuler par la main, le pinceau, plutôt que par des mots, par ma bouche."
Renonçant à la peinture art majeur qui lui ferme les portes des galeries, elle se consacre à développer un art graphique basé sur l'utilisation des matériaux modestes comme le papier et la gouache et des pratiques simples telles le collage, le découpage, l'estampage.
Des gouaches petit format ("War Series" des années 60 sur la guerre au Vietnam avec ses stupéfiantes "Human bomb" et ses déflagrations spermatiques) aux compositions monumentales
("Hours of night" et surtout "Azur", scroll-work de 85 mètres linéaires) dans lequelles elle utilise la la technique des bandes de papier collées inventée dans les années 70 pour son travail sur l'écrivain Antonin Artaud ("Artaud Paintings" et "Codex Artaud"), Nancy Spero développe un vocabulaire pictural singulier qui l'inscrit dans l'histoire de l'art.
De la rage au coeur à la célébration de la figure féminine, elle s'inscrit dans l'histoire du féminisme.
"Les femmes Spéroïques sont comme les vers de la Divine Comédie, elles s’élancent, s’éloignent, de la terreur, ne se posent pas, ne se reposent pas, s’échappent mais se répondent, sont seules, mais se relaient comme de puissantes notes de musique. Si fortes, championnes de course, stars solitaires, déesses survivantes, passeuses d’abîmes. À leur beauté, à leur air de victoire, à leurs bras levés en ailes, à leurs pas pressés de danser, je devine qu’elles sont les filles du rêve de liberté d’une être que la vieille histoire a jetée dans les invisibles prisons. Elles sont les émanations d’une âme indignée. De la matière de l’Enfer elle tire d’invincibles Fiertés". Hélène Cixous in "Dissidanses de Spero".