Vaudeville de Georges Feydeau, mise en scène de Jérôme Deschamps, avec Dominique Constanza, Claude Mathieu, Thierry Hancisse, Florence Viala, Céline Samie, Jérôme Pouly, Guillaume Galienne, Christian Gonon, Serge Bagdassarian, Hervé Pierre, Gilles David, Christian Hecq et Georgia Scaliet .
Parmi les premières d’une longue série de vaudevilles à succès, "Une fil à la patte" de Georges Feydeau, à chaque reprise au Français, marque son temps ; au siècle dernier, Charon, Hirsch, Piat. Maintenant, Jérôme Deschamps et une pléiade de comédiens endiablés.
L’intrigue : une chanteuse demi-mondaine, Lucette, est la maîtresse de Monsieur de Bois d’Enghien. Celui-ci doit rompre car le jour même il épouse la fille de la baronne du Verger. Hélas, mécanique infernale, la situation ne tourne pas à son avantage : un général d’opérette, jaloux et chatouilleux du sabre, le menace de mort, des importuns s’imposent, Lucette doit chanter chez sa future belle-mère, la promise fait montre de tiédeur : les portes claquent, les gaffeurs s’ingénient et l’on se retrouve en caleçon, avant un final heureux et inattendu.
Pièce emblématique d’une certaine légèreté française, "Un fil à la patte" méritait un metteur en scène expérimenté et économe de ses messages philosophiques ou sociaux. Jérôme Deschamps cède à l’extrême fidélité et le décor de Laurent Peduzzi, pompier à souhait, séduira d’emblée tous les puristes du vaudeville.
La cadence fonctionne, la folie grimpe comme la fièvre à cinq heures et la troupe explose pour notre plus grand plaisir.
Florence Viala incarne une cocotte artistique de haute-cour, charmante d’autorité, gommant la geignardise, commandant à ses hommes, du passé ou du présent, avec une authenticité rarement vue dans ce genre où la caricature s’insinue souvent. Thierry Hancisse, toujours excellent, invente un type de général portègne, sur le modèle de Dali, insistant sur le côté fleur-bleu et tête chaude du personnage.
Serge Bagdassarian, le Falstaff à tête d’ange, devient Fontanet, figure du dérèglement, puant individu, au sens figuré…et malpropre. Dominique Constanza est une baronne huppée de Faubourg, vêtue de fourrures délirantes pour passer au salon (à cause du courant d’air ?) Guillaume Gallienne, en culotte bois-de-rose, gallienise, jouant le mari répudié et se travestissant en vieille miss Rance. Le public adore Bouzin, bouc émissaire, simplement de passage, et Christian Hecq le réinvente, mi-Charlot, mi-Nosfératu, lui ôtant toute humanité pour en faire un pantin à tics, très efficace à déclencher les rires.
Enfin, Bois d’Enghien, c’est Hervé Pierre, comédien excellent, type de l’homme moderne, malheureux et très lucide, sans grand charme, ni volume. On retrouve avec joie toute cette troupe (avec le talentueux Jérôme Pouly !) encore une fois au sommet de sa forme.
Les jolis costumes de Vanessa Sannino portent la marque de l’Italie et du stylisme milanais, tandis que les lumières de Roberto Venturi en soulignent la beauté sucrée.
L’impression générale ? Recherche de perfection et fidélité à l’œuvre. Ce spectacle réjouissant attirera tous ceux qui voient dans le théâtre un divertissement de qualité. Quant aux autres, la programmation de la Comédie leur promet des jouissances variées.