C'est un matin d'automne où ça n'est pas grave (que cela soit un matin d'automne). Un rare soleil, irisant un fond d'air tiède. Matinée grasse, travail maigre. Après un bref jogging, cooking then eating a regular english breakfast. L'un de ces matins pour soi, bienheureux. Idéal pour la pop surannée et sautillante de Blitzen Trapper.

Destroyer of the Void, record du monde du titre le moins en corrélation avec l'atmosphère de l'album. Ici, point de néant ou de destruction, rien des atmosphères metal, nihilistiques ou post-rock que l'on aurait pu croire, encouragé encore par l'artwork. Rien qu'un délicieux voyage dans une autre époque du rock. D'un Bowie intemporel coincé entre Hunky Dory et The man who sold the world à T-Rex, Bob Dylan ou même un Led Zeppelin plus brit'folk que la reine, c'est toute la protest-pop-glam-song façon 70's qui se retrouve convoquée.

Avec un sens des mélodies efficaces allié à un goût pour les lignes de chant tout en déséquilibre, Blitzen Trapper creuse, comme on a oublié comment le faire depuis les augustes formations dont il s'inspire, le sillon d'un rock faussement insouciant, à la très lucide folie. Les références sont énormes, incontournables, et donneront dans un premier temps à l'écoute un vague air de quizz. Fais-moi écouter ta chanson, je te dirai à qui tu as pensé. Mais passée cette première surprise, on se régale, tout simplement, et l'on ne tarde pas à se prendre d'une véritable sympathie pour l'album, encore aggravée (forcément) par la présence en guest vocalist de la douce Alela Diane, la plus sympa des chanteuses cool elle-même (sur "The Tree").

Les plus puristes crieront au blasphème pendant que les expérimentateurs leur bailleront grossièrement leur ennui à la face. Pendant ce temps, l'amateur modeste écoutera avec le sourire cet album modeste. Parce qu'il n'y a pas de mal à se faire du bien. Et point.

Pour son cinquième album, la formation d'Eric Earley n'aura certes rien réinventé, surtout pas elle-même, mais cela compte-t-il tant ? L'album a tout au moins le mérite de révéler certaines grandes vérités universelles (du genre : on ressemble toujours à Bob Dylan lorsque l'on chante d'une voix nasale une balade folk où dominent harmonica et guitare sèche ; ou encore : les Beatles ont inventé la pop). Pour le reste, c'est l'automne. Assieds-toi et regarde tomber les feuilles. Don't worry.