Texte de Jean-Luc Lagarce interprété par Virginie Maillard dans une mise en scène de Claire Chaineaux.
"Naître, ce n'est pas compliqué. Mourir, c'est facile. Vivre entre ces deux évènements, ce n'est pas nécessairement impossible." disait Jean-Luc Lagarce.
Et s'il existait une solution à cette suite d'infimes problèmes qu'est la vie, un moyen de se comporter, un code de bonne conduite auquel se référer en toute circonstance et qui guiderait constamment nos pas. Ne serait-ce pas une rassurante certitude à laquelle se raccrocher?
Et si les codes de nos sociétés, plus que contraintes arbitraires, n'étaient là que pour nous guider vers l'épanouissement?
Tels sont les thèmes de réflexions abordés dans "Les règles du savoir-vivre dans une société moderne", inspirée par la lecture d'un vieux manuel de règles de savoir-vivre datant du 19ème siècle.
L'auteur nous parle par l'intermédiaire d'une femme, sorte d'animal savant dressé par une autorité bien pensante à réciter sa leçon. Elle nous livre, seule en scène et manuel à la main, l'ensemble des usages qui permettent "de tenir son rang" et de ne pas "se laisser déborder par les futilités accessoires que sont les sentiments", de la naissance à la mort, en passant par le choix du prénom, le baptême, le mariage, ou encore le veuvage. Mais voilà, la machine est usée, comme enraillée, et le perroquet prend des libertés avec sa "bible" qu'il se permet de commenter.
La mordante ironie de Jean- Luc Lagarce, ainsi que son usage si personnel de la langue, rythmée par une ponctuation abondante, se retrouve à chaque phrase. L'absurdité de la leçon et le décalage des usages entre le siècle où fut écrit le manuel et notre monde moderne nous fait sourire et pourtant, avons nous véritablement changé, nous sommes nous véritablement débarrassés, comme on se plait à la croire, des contraintes morales et sociales? Et surtout, nous sont-elles utiles et nécessaires?
La mise en scène de Claire Chaineaux s'appuie grandement sur l'expérience de la comédienne Virginie Maillard, danseuse et élève de l'école Internationale de Théâtre Jacques Lecoq (fondateur de l'Ecole du mouvement). Cette dernière, nous livre une prestation où la gestuelle a une grande importance. C'est par le corps, raide et contraint, comme engoncé dans un carcan, mais qu'on sent petit à petit se rebeller, se mouvoir avec souplesse et maladresse sous la cuirasse, que s'exprime la vivacité d'esprit et l'ironie de Lagarce, l'âme libre derrière la bête savante ânonnante.
Une leçon de de savoir-vivre au sens premier du terme.