Des nouvelles de Daeninckx...

Les mutations urbaines n'engendrent pas que des monstres. Elles favorisent parfois l'écrit et, par delà l'écrit, le livre. On a souvent comparé l'écriture de la nouvelle à l'exercice du court métrage. Il n'y a rien de plus faux C'est une histoire racontée à son rythme biologique qui parcourent les pages sans s’occuper du volume imposé. Il y a là pour l’écrivain une réalité de la création qui ne se borne pas aux nombre de feuillets imposés.

Un formatage livresque.

Cette liberté de l’écriture au format court permet pour le lecteur de s’offrir dans l’urgence les mots d’"aventures" comme on picore sans hâte chez des amis chers. Cette invitation à la lecture est parfaitement réelle et heureuse de par le format. Profitons donc de cette aubaine pour ouvrir le dernier opus de Didier Daeninckx qui nous offre, en hôte, huit nouvelles dont la dernière et la plus longue donne son titre au recueil "Rue des Degrés".

Huit histoires qui vous prennent par la main, chacune naturellement décrite selon un savoir ingénieux dû au talent de l’auteur. Un mélange savoureux et cocasse d’univers teinté de noir.

C’est que le noir lui va bien à l’Auteur. Il le sait pour la porter haute et forte. Il ne s’agit pas seulement du libertaire qu’il est, mais aussi de cette couleur qui rassemble tous les deuils, de cette couleur qui colle aux baskets du roman policier. Le noir parce que ce n’est pas une couleur, mais les couleurs. Tout le monde devient, sous la plume de Daeninckx, sujet de mort. Point de classe ici, rien qu’un ton limpide pour nous décrire les dérives.

Elles courent, les dérives, le long des lignes, entre les récits forgeant cette mémoire que l’on redoute de peur de réveiller les fantômes du passé. Daeninckx est là, en artiste, pour nous rafraîchir la mémoire des erreurs non pas de la République, mais de ceux qui la servent, "La couleur noire", la nouvelle qui ouvre le recueil.

Le passé n’est jamais loin chez l’auteur. La raison en est simple, c’est le passé qui guide l’avenir. Qui devrait, chez chacun de nous, faire réfléchir au futur. C’est pour cela que ses écrits nous convoquent toujours là où cela fait mal. Entre lâcheté sociale et destin tronqué c’est l’étrange valeur humaine qu’il nous décrit.

Un monde humain, terriblement humain perdu dans les méandres d’un labyrinthe construit par le pouvoir. Perdu, il lui reste à s’engager, à définir son "Destin" face aux mécréants.

Chaque nouvelle est une fable.

Que faut-il choisir aujourd’hui, par ces temps qui soufflent l’enfer ? Comment se comporter lorsque l’on est auteur face à la destruction programmée de nos valeurs ? "Entre la pose du révolutionnaire et celle du poète", l’écrivain est en possession de mots armés. C’est aujourd’hui beaucoup plus puissant qu’une image. Mots terroristes, mots en résistances.

Il faut que Didier Daeninckx continue à nous offrir le verbe ainsi martelé, c’est de l’espoir qu’il nous offre à travers ses personnages cabossés. Simplement parce que c’est de nous dont il parle.

Relire Daeninckx c’est me semble-t-il indispensable à la santé morale.