Réalisé par Bertrand Blier. France. 2010. Comédie dramatique. Avec Jean Dujardin, Albert Dupontel et Anne Alvaro.

Bertrand Blier, le retour. Le vrai, celui qu'on n'attendait plus. Déjà 5 ans qu'il avait délaissé la réalisation mais une éternité à se demander si le féroce, cynique et absurde Blier n'en avait pas fini avec le cinéma.

Il faut bien reconnaître que son dernier effort, Combien tu m'aimes ? et son thème foireux autour de l'amour d'un gars pour une prostituée n'avait pas passionné les foules. Mes dernières claques remontaient à Merci la vie, Un, deux, trois, soleil où Monsieur Blier s'attaquait à de douloureux drames sociaux (les femmes battues, le sida...) avec l'humour ginçant et l'absurdité qu'on lui connait, mis en relief par l'étonnante Anouk Grinberg. C'était il y a 17 ans !

Filmé de derrière, un homme avance comme un fou d'un pas décidé, sur une musique intense, limite flippante (du genre de celle dans l’intro de Shining, voyez un peu). Arrivé au portail d'une grande demeure imposante, il sonne en annonçant : "bonjour, je suis votre cancer". La tournure est surréaliste, fantastique, inquiétante et on sent bien que tous les ingrédients sont là pour faire du grand Blier.

Faire un film sur le cancer, pas simple, casse-gueule, comment procéder ? Si Lelouch s'y était attelé, on aurait trouver ça pompeux, exagéré dans les sentiments. Si Mocky s'y était frotté, le résultat aurait été lourd et vulgaire. Non, pas de doute, Blier est l'homme de la situation sur un tel sujet.

Charles Faulque, écrivain sans inspiration qui a sombré dans l'alcool – Jean Dujardin – voit donc son cancer personnifié qui va le suivre partout dans les moindres recoins de la maison, même au pieu dans les moments intimes. Mais je m’interdis de vous en dire plus sur l’histoire bien entendu, juste que les situations sont croustillantes, les acteurs/actrices formidables, Blier joue la carte du décalage et de l’humour noir à fond, sans oublier la petite touche d’humanité, ici bien distillée.

Le duo Dujardin-Dupontel n’a pas à rougir face au Dewaere-Depardieu des Valseuses ou au Depardieu-Blanc de Tenue de soirée. D’ailleurs, ce Bruit des glaçons a la force de Tenue de soirée, sujet grave, humour noir conjugué à un certain malaise, acteurs au top, on en ressort bousculé. Et n’oublions pas non plus Anne Alvaro, touchante, attachante, formidable en somme.

Une scène quand même, qui montre toute la véracité du réalisateur. Au toubib de famille lui demandant son rapport à l'alcool, Charles Faulque lui détaille avec cynisme une journée type de picole, heure par heure : "10h, ben je reprends une bouteille de blanc, par solidarité avec la pause des gars des chantiers".