Comédie dramatique écrite et mise en scène par Catherine Decastel, avec Cécile Caminade, Adeline Lejeune et Loïc Samar
Ça ! L’imprononçable. Terreur junguienne enfouie. Ça l’impensable et pourtant parfaitement réel. Ne vous attendez pas à une promenade de santé. Ici le corps parle de la violence qu’on lui fait. Des silences imposés, de ce doute qui n’en est pas un. De cette peur qui se conjugue au féminin.
Ici ne vous attendez pas à ce que Catherine Decastel (mise en scène et texte) soit indulgente. Elle sait le public adulte, elle sait qu’il ne faut pas qu’il baisse les yeux. La pièce regarde les spectateurs, bien droit dans ses répliques. Un moment dur, offert au regard, non pas comme du voyeurisme (bigrement trop simple, trop malsain), non ici le réel des propos se conjugue au même temps que le spectacle.
Et c’est toute la force, toute la violence étudiée de Catherine Descastel que nous offre en spectacle cette pièce qui ne peut pas laisser indifférent le public d’Avignon. Vous en ressortirez remué, mais bien dans votre peau. Évacué, les doutes.
Si les personnages ne sont pas définis, ils existent pourtant, un homme, une femme, un garçon, deux filles. Un jeu entre les scènes, des passages de l’une à l’autre sans pour autant dresser le temps comme seul fil narratif. Cette immobilité résonne comme une honte, celle du corps foudroyé. Celle de la victime, des victimes que l’on n’écoute pas, que l’on refuse de croire et pourtant ! Cette violence est là, qui entache le corps sous le regard des bourreaux, riches ou pauvres cela n’a pas d’importance au regard de la victime marquée au fer rouge.
Comment oser parler du viol sans tomber dans la dramaturgie de bon ton. Oui, on est en droit d’oser la question. Et bien soyez fière de Catherine Decastel, elle lève le tabou dans la dignité d’une pièce unique (aussi bien de part sa conception que par le thème fort qu’elle véhicule) qui vous fait froid dans le dos, offrant la violence des actes aux corps meurtris.
Soutenir ces références, celles que l’on ne doit pas oublier ! Alors la danse s’impose comme moyen. Il n’est peut-être pas unique, naturellement. Mais cet art ressemble bigrement au désespoir du silence. Et les moments chorégraphiés par Claude Chalopin vous tordent les boyaux. Regardez Cécile Caminade, Adeline Lejeune, Loïc Samar et pensez que le talent est aussi affaire de conviction et pas seulement de jeu. C’est toute cette force que long reçoit sur le ring de la scène.
Il y a dans cette pièce un acte militant, celui d’oser montrer, quitte à perturber la bienséance des conventions théâtrales. Et c’est tant mieux pour nous de sentir à travers le jeu, la chorégraphie, la musique et la mise en scène, qu’une artiste sait déstabiliser le public sans le prendre à rebrousse poil.
Les spectateurs ne peuvent en être que reconnaissant de se sentir ainsi adultes devant une si fort œuvre.