Comédie dramatique de Hanokh Levin, mise en scène de Laurent Brethome, avec Thomas Blanchard, Antoine Herniotte, François Jaulin, Denis Lejeune, Hélène Marchand, Céline Milliat-Baumgartner, Geoffroy Pouchot-Rouge-Blanc, Anne Rauturier et Philippe Sire

Le dramaturge israélien Hanokh Levin s'est inlassablement interrogé sur la condition humaine, "cette tendre glaise humaine dont on façonne les grands idéaux" et sa quête du sens de la vie et, bien qu'il se proclamait athée, de l'existence de Dieu se manifeste de manière philosophique, métaphysique et quasiment mystique dans un de ses opus mythologiques "Les souffrances de Job".

Dans cette tragédie, il décline, de manière radicale, un des plus fameux écrits bibliques, le livre de Job, dans lequel Dieu met à l'épreuve la foi de ce dernier en l'abandonnant temporairement aux mains du diable. Mais chez Levin point de diable ni de dieu, point de faute ni de rédemption. Rien que l'homme et le néant dans un monde qui est "une bulle de rêves" : "Pas de sens, pas de morale, mais un spectacle. Un homme tombe et bientôt il sera mort".

Laurent Brethome s'est attaqué, avec la troupe de la Compagnie Le menteur volontaire à cette étonnante pièce épique et cosmogonique composée de tableaux qui constituent autant de stations du chemin de croix de Job qui vit sur terre une inexorable descente aux enfers, pour créer un spectacle époustouflant qui navigue entre le sublime et l'épouvante, le burlesque et le pathétique, le dépouillement et le baroque.

Et selon sa conception du rôle des comédiens et du metteur en scène, "Le poète est là pour écrire le monde et nous, gens de théâtre, sommes là pour le dire", il travaille pour "un théâtre de texte, de chair et de souffle" dont ce spectacle est une brillante et intelligente démonstration.

Une réussite grandement due à l'interprétation des comédiens, Thomas Blanchard, Antoine Herniotte, François Jaulin, Denis Lejeune, Hélène Marchand, Céline Milliat-Baumgartner, Geoffroy Pouchot-Rouge-Blanc, Anne Rauturier et Yaacov Salah avec Philippe Sire, en tête, exceptionnel dans le rôle-titre du juste pour son incarnation de l'homme soumis à une souffrance inextinguible tel que Levin le conçoit ("Nous sommes tous des orphelins apeurés qui cherchons notre père").

De la scène de fin de banquet dont ne restent qu'une table et un parterre de bouteilles vides à l'assomption de Job empalé pour avoir refusé de nier l'existence de Dieu, dans une scénographie hallucinante du peintre et artiste plasticien Steen Halbro et sous les lumières apocalyptiques de David Debrinay, ce spectacle qui ressortit à la tragédie, à la danse, à la performance plastique et au cabaret et dont chaque acte se clôt par un tableau à la Bosch, balaye toutes les certitudes, suscitant autant la réflexion que l'effroi, sur le questionnement essentiel que Levin martèle à chaque phrase : "Qu'est-ce qu'un homme ? Qu'est-ce que la vie ? A quoi ça rime ?"