Comédie musicale d’Alain Boublil et Claude-Michel Schönberg, d’après le roman éponyme de Victor Hugo, mise en scène de Laurence Connor et James Powell, avec John Owen-Jones, Earl Carpenter, Gareth Gates, Madaleno Alberto, Katie Hall, Ashlay Artus, Lynne Wilmot, Rosalind James et Jon Robyns.
Le Théâtre du Châtelet présente une nouvelle mise en scène de la comédie musicale qui détient le record de la plus longue exploitation ininterrompue, "Les Misérables". En 1980, Robert Hossein écrit une comédie musicale tirée du classique de Victor Hugo. En 1985, une version en anglais est présentée à Londres. En 2010, la pièce est dépoussiérée, remise au goût du jour. Il semble bien que les aller-retours linguistiques bonifient, cette adaptation (d'une adaptation) étant un pur bonheur.
Tout y est juste : du prologue, enlevé, au final en passant par l'allègre et gaillarde "Master of the house", la chanson des Thénardier (Ashley Artus et Lynne Wilmot, qu'on adore détester). Les " Miz'", c'est avant tout l'histoire de Jean Valjean, personnage central dont John Owen-Jones donne une interprétation sincère. Son "Bring him home", émouvant sans donner dans l'emphase, lui assure les acclamations du public. Evitant le piège du mièvre, Madalena Alberto - dans le rôle de Fantine - et Rosalind James - dans celui d'Eponine - nous offrent des solos remarquables. "I dreamed a dream" est véritablement renversant, sans une once de pathos. Le jeune Jake Abbott donne quant à lui une interprétation résolument mature de Gavroche.
Où l'on aurait pu craindre les clichés, on trouve une profondeur confondante. Les interprètes montrent une fougue sans emballement, passant du chant au théâtre, du drame à la comédie sans qu'il n'y paraisse. Les costumes, eux, ont de l'éclat sans être clinquants. Là où l'on s'attendait à un Paris kitsch de carton-pâte, on découvre l'évocation vivante, inventive, multiple, d'une ville disparue. Le décor procède par touches : ici un bec de gaz, là un portail en fer forgé.
Les décors coulissent, fusionnent, se retournent et on glisse d'un tableau à l'autre dans un tourbillon maîtrisé alors que les tubes s'enchaînent. Les effets vidéo, s'inspirant de l'univers pictural de Victor Hugo, repoussent les limites de la scène, transfigurant le plateau en catacombes, démultipliant l'espace.
Rythmée, chaleureuse, poignante, cette version des Misérables est d'une grande nuance. A voir.