Loin d'être Munch
Découvrir ! Et puis ? il vous faudra peut-être du temps avant de pousser un cri de joie. Enfin ! Il se peut que vous n’en croyez pas vos yeux. D’ailleurs faut-il avoir confiance en ce que l’on voit ? Question "bateau" que notre société ultra médiatisée se flagelle au nom de sa bonne conscience. Naturellement non, avons-nous envie d’écrire. La tromperie est partout, seul subsiste le doute, ce moment d’équilibre, il est important devant un tableau, une œuvre que l’on croit connaître.
C’est un peu comme Edvard Munch (1863 - 1944), Nous croyons tout savoir de l’artiste à partir de sa seule œuvre marquante "Le Cri" ?
Un seul tableau peut-il résumer une vie d’artiste ? On voudrait nous le laisser croire tellement, il est vrai que cette œuvre forte semble, à elle seule, digérer le monde. N’est-ce pas présomptueux de notre part de résumer ainsi, le travail d’un artiste ? De clore une fois pour toute son œuvre à un seul tableau ?
Edvard Munch, fils d’un médecin militaire profondément religieux, sera élevé dans la mélancolie de la maladie et de la mort . Il commença sa carrière artistique dans les années 1880. Un cheminement de douleur, un cri déjà, devant les œuvres à finaliser, brusquant les conventions dans une logique libertaire. Tout semblait trop simple à ses yeux, la réalité du regard, était ailleurs, entre la peinture et les nouvelles formes d’expressions comme le cinéma.
Pas seulement naturellement.
La Pinacothèque de Paris ouvre ses portes, sans crier gare (naturellement) à l’univers d’un artiste secret. Ce "Salut Public" est une très bonne augure. Et l’on voit que l’Art comme l’info n’est pas affaire d’un seul angle, d’une seule vision, d’une seule œuvre. Cette réduction a vouloir se contenter de connaître ce que l’on nous propose (trop souvent par facilité) est ici balayé d’un revers de main. La Pinacothèque, une fois encore nous prend à rebrousse poil. Et c’est tant mieux.
Toute la finesse du commissaire Dierter Buchhaert est de ne pas avoir fait appel aux grands musées d’Oslo pour mieux se rapprocher de collectionneurs privés et de leurs trésors enfouis. Vous l’avez compris, ce que nous propose la Pinacothèque est une chose rare, une pépite pour le regard. La réelle existence artistique de Edvard Munch.
Un voyage en plusieurs étapes.
Cinq découvertes chez ce peintre qui dès le début affrontera la matière expérimentale comme outil de recherche fondamentale. Ce n’est pas une révolte de jeunesse, de peintre à fleur de peau, non, il s’agit d’un engagement qui dès 1880, sous l’influence du peintre paysagiste Frits Thaulow organisera ses petits formats aux regards de naturalistes norvégien.
Berlin, Paris, deux capitales. Un scandale. En 1892 ou la presse berlinoise l’attaque à poings fermés pour quelques jours plus tard sur la décisions d’un grand nombre d’artistes (bonjour la solidarité) on fermera l’exposition. Munch discrédité, mais le scandale contribue à la notoriété du peintre dont un critique d’alors résumait le travail de l’artiste à "des œuvres semblant inachevées, laides...". Cela n’empêchera pas Munch de continuer ses expérimentations à Berlin.
Ce sont des tableaux comme "Nuit d’été à Studenterlunden" où l’on commence à voir le changement. La rupture déjà engagée et qui confirmera dans le choix des couleurs, les lignes, la perspective et la surface monumentale devenant décorative, l’œuvre adulte d’Edvard Munch est sous nos yeux.
Il ne pouvait que rencontrer l’avant-garde ! Mais n’en faisait-il pas déjà partie ?
L’exposition réunit 175 œuvres de ce peintre qui n’hésitait pas à offrir un "traitement de cheval" à ses tableaux dans la violence des intempéries pour leurs assurer une maturité du temps. Il y a chez Munch, cette précipitation d’œuvrer comme-ci l’art pouvait être mortel.
Il n’en est rien. Heureux que nous sommes de découvrir la face cachée du "cri".