Comédie de mœurs de Jean Dell et Gérard Sibleyras, mise en scène par Stéphane Hillel, avec Valérie Karsenti, Eliza Maillot, José Paul, Marc Fayet et Gérard Loussine
A l’affiche pendant toute la saison 2002-2003 au Théâtre La Bruyère, cette pièce, qui avait démarré modestement en outsider, a remporté un gros succès tant auprès du public que des professionnels au point d’être neuf fois nominée pour les Molières 2003 et d’en avoir raflé 5 tant pour l’interprétation, la mise en scène que l’écriture.
Après six mois de tournée, elle revient à l’actualité du Petit Théâtre de Paris du 1er avril au 25 juillet 2004, qu’il convient de ne pas rater.
Un petit jeu sans conséquence traite, sur un argument à la Marivaux et sur un ton de légèreté douce-amère à la française chère à Alain Resnais et Eric Rohmer, de l’influence des publicités télévisuelles sur la pérennité des couples et illustre les proverbes bien connus dont la pertinence se vérifie toujours: "A force de jouer avec le feu on se brûle", "toute vérité n’est pas bonne à dire", "il vaut mieux parfois ne pas tout savoir" et "l’herbe paraît toujours plus verte chez le voisin".
Bruno et Claire forment un couple serein dont douze années de vie commune ont assis une relation profonde qui a atteint son rythme de croisière, la routine prenant le pas sur la passion. Etat de fait qui ne posait aucun souci jusqu’à ce fatidique jour de pique-nique où un cousin gaffeur a la malencontreuse idée de comparer leur couple modèle à celui d’une publicité télévisuelle vantant les mérites de la dégustation de biscottes bien au chaud sous la couette.
A l’instar du bruissement d’ailes du papillon qui déclenche un séisme, les miettes desdites biscottes vont bouleverser la quiétude de cet après-midi.
Dépitée, la jeune femme perçoit cette image négativement connotée en ce qu’elle implique de références péjoratives (couple plan-plan, libido limitée au partage d’un aliment de seniors…) qui de surcroît réveille la coquette qui sommeille et qui lui souffle une idée perfide : annoncer leur prochaine séparation !
Cette réplique devient un stratagème imposé à son mari pour se donner quelques frissons et sonder les cœurs de leurs famille et amis. Mais c’est sans compter sur l’entrée en scène du fils de la voisine, jeune mâle célibataire de retour de l’étranger, dont l’arrivée n’est peut être pas si inopinée qu’il y paraît.
Mais en quelques heures, la réalité prend le pas sur le jeu car les protagonistes ne sont pas des personnages, mensonges, sexe et vidéo venant contrarier le déroulement de la journée.
Les dialogues sont légers mais percutants, ironiques sans être cruels, plein d’humour sans gros rires, toujours efficaces et au service des cinq caractères dont aucun ne joue les utilités.
Une mise en scène discrète et une distribution judicieuse réunissant de bons comédiens, qui pour la plupart se connaissent bien pour avoir participé avec succès à l’aventure des "Accalmies passagères", qui avait obtenu en 1997 le Molière du meilleur spectacle comique, même si Gérard Loussine en looser gaffeur et José Paul en décontracté pince-sans-rire, oeuvrent dans un registre un peu convenu, contribuent à la réussite de ce spectacle.
Eliza Maillot campe la meilleure amie plus vraie que nature tiraillée entre la fidélité à la jeune femme interprétée avec justesse, sobriété et sensibilité par Valérie Karsenti et son amour pour le mari "gros jean comme devant" que Marc Fayet rend particulièrement crédible et attachant.
Même aujourd'hui badiner avec l'amour est dangereux...