Texte poétique de Fernando Pessoa, mise en scène de Claude Régy, avec Jean-Quentin Chatelain.
Claude Régy met en scène Jean-Quentin Chatelain dans l'exercice de haute voltige poétique qu'est le long poème "Ode maritime" de Fernando Pessoa.
Spectacle dans lequel il n'y a pas grand chose "à voir" si ce n'est, le plus souvent sur la scène plongée dans la pénombre, le décor de Salladyn Khatit, une immense vague en rouleau, qui ferait rêver le surfeur le plus blasé, dans laquelle se perd un ponton en ligne de fuite à la manière de celui, en plus hightech cependant, d'une des premières publicités pour le parfum Farenheit de Christian Dior.
Mais là n'est pas l'intérêt. A écouter et entendre alors, bien évidemment, la partition pessoenne avec un officiant, en contre-jour permanent, qui restera immobile, bras le long du corps, mains paumes ouvertes, pendant près des deux heures que dure cet hymne halluciné à l'élément marin, métaphore un peu appuyée de l'homme qui restera à jamais à quai et du poète-voyant rimbaldien qui illuminerait le monde.
Entre imprécations, supplications et exaltation lyrique, Fernando Pessoa, qui n'a jamais quitté Lisbonne, clame sa fièvre orphique pour l'océan, le monde maritime depuis la salle des machines des navires au mythe du pirate en passant par les colonisateurs emblématiques de la puissance impérialiste portugaise.
Pour cette performance de la profération, qui en l'espèce, comme les charivaris houleux, oscille entre expressionnisme et distanciation, un marathonien dans l'art du monologue, Jean-Quentin Chatelain, à la voix et à la scansion très singulières ici portées à la limité de l'audible, voix d'un Bernard de Villiers suisse au débit extrêmement lent à l'instar d'un microsillon tournant à la mauvaise vitesse ou du rythme des mantras, exercice dans lequel le système tonal naturel de la langue et phonétique se disloquent modifiant l'ordonnancement et la compréhension de l'écriture, voire du sens pour le spectateur néophyte, au profit du pouvoir et à la résonance du son qui, bien évidemment, circonscrit grandement l'audience du spectacle.