"Derrière la porte" est le récit que fait un jeune homme solitaire, qui a vécu dans un désert sinon affectif du moins dans un milieu très modeste dépourvu de démonstrativité, d'effusion et même de sentiment, du seul événement de sa vie qui, même si son dénouement en est tragique, l'a porté à une conscience de vie ("J'aurai quand même pas tout perdu dans cette catastrophe. Je ne suis plus comme un animal qui vit sans savoir pourquoi") et de ressenti ("Je n'éprouvais plus que du plaisir, d'une sorte que je n'avais connue et qui était liée je crois à un sentiment de pouvoir").

Quasiment asocial, sans amis, sans relations, quoi qu'inséré dans la société en étant capable de subvenir à ses besoins vitaux, sans plus car il ne désire rien, il vit dans un équilibre mental précaire et fragile, dont il est au demeurant conscient ("Il y a quelque chose chez moi qui ne va pas c'est certain"), quand il compare sa situation à la normalité des garçons de son âge.

Et puis, un jour, il trouve quelque chose, ou plutôt quelqu'un, qui va donner du sens à sa vie, Louise, une adolescente enfermée dans un mutisme psychotique d'origine traumatique, vers qui il va aller, mû par une irrésistible fascination, doublée d'une ambiguë "pitié dangereuse" qui entraîne vers un être encore plus mal loti que soi, tout comme vers un animal que l'on veut apprivoiser, car elle n'est jamais totalement désintéressée ou neutre ("l'idée m'est peu à peu venue que j'étais en train d'acquérir un ascendant sur elle et que j'allais bientôt pouvoir la mener à ma guise").

L'écriture de Luc Pirlet, à l'aune de la pensée du narrateur, est concise, dépourvue d'affect, mais qui n'empêche pas d'être bouleversante, presque clinique pour raconter une histoire douloureuse, celle d'un sauvetage avorté et d'un amour qui aurait pu être, sous un titre qui évoque à la fois le mystère que chacun porte en soi, la maison qu'est l'âme humaine et qui s'ouvre parfois, à l'instar de l'expression de Bruno Bettelheim relative à l'autisme, sur une forteresse vide.