Comédie de Michel Vinaver, adaptée en japonais par Oriza Hirata, mise en scène de Arnaud Meunier, avec Philippe Durand, Tomohito Hatanaka, Yoko Hirata, Elsa Imbert, Akiko Ishibashi, Moanda Daddy, Kamono, Hideki Nagai, Hiroko Matsuda, Nathalie Matter, Hiroshi Ota, Tadashi Otake, Hiroshi Otsuka, Kotaro Shiga, Reiko Tahara, Hiroshi Takahashi (Bungakuza), Ruriko Temmyo et Kenji Yamauchi.

Il est des spectacles qui ne sont pas, de fait, "tous publics" sans que cette étiquette induise un ostracisme péjoratif, et qui, à défaut de s'adresser uniquement à quelques "happy few", méritent d'être présentés à un public "averti" notamment au spectateur néophyte quant aux registres des différents protagonistes de cette re-création.

Tel est le cas de "Tori no tobu takasa" actuellement à l'affiche du Théâtre des Abbesses qui nécessitent quelques précisions liminaires et notamment de connaître les prolégomènes suivants.

Comme son titre l'indique, ce spectacle qui se déroule essentiellement en japonais d'où la contrainte du surtitrage et la lecture très attentive des surtitres est d'autant plus indispensable que de la spécificité de l'accent tonique de la langue japonaise ne permet aucunement de se "rattraper" par l'oreille.

Le texte résulte d'une réécriture spatio-temporelle opérée par Oriza Hirata du texte "Par dessus bord" de Michel Vinaver et mis en scène par Arnaud Meunier.

A savoir donc que fonds de commerce de Michel Vinaver, auteur octogénaire dans le top five des auteurs dramatiques à la mode qui vient d'entrer au répertoire de la Comédie française, qui simultanément à son oeuvre littéraire officiait comme PDG de la filiale française de la multinationale Gillette, est le monde du travail.

Dès lors, il faut se passionner pour l'histoire du capitalisme moderne et les arcanes des multinationales. En effet, la pièce est irrémédiablement datée. Les principes épinglés, datant des années 60, du paternalisme industriel à la gouvernance managiérale en passant par le brainstorming et la marketing au brainstorming, qui s'ils sont toujours en vigueur paraissent déjà surannés. Les enjeux stratégiques et financiers actuels dans le cadre de la mondialisation se déclinent selon d'autres postulats qu'il faudrait davantage chercher du côté d'auteurs comme Jean-Charles Masséra.

Malgré la contextualisation opérée, la déclinaison japonaise rédigée par Ozira Hirata, même si la variante peut être amusante (le Japon ne connaissant pas l'usage du papier toilette, qui était le produit fabriqué par la société visée dans le texte original, le nouveau produit consiste en des WC high-tech automatisés) induit le même constat.

Arnaud Meunier, un des fleurons de la scène émergente, pratique un art de la mise en scène sec sans aspérités, tel dans "King", du même auteur, présenté en 2009 au Théâtre de la Commune, qui ne prête généralement pas à l'exubérance, et qui ici "se lâche" peut être sous l'impulsion de l'imposante troupe de comédiens-chanteurs-danseurs japonais au jeu pour le moins très extraverti, voire au surjeu.

En effet, dans un décor très cartésien, post-moderne et anachronique de Camille Duchemin, la comédie, sur fond de mythologie nippone, vire à la caricature en raison de la trivialité thématique (de la défécation comme métaphore du recyclage capitaliste dans un spectacle dont la traduction du titre est "la hauteur à laquelle volent les oiseaux") qui s'exprime dans des tableaux qui ressortissent tant au film de kung-fu, au soap opéra qu'à l'iconographie des chants révolutionnaires chinois de propagande du bon vieux temps de l'oncle Mao.

Enfin, sachez que Arnaud Meunier, qui est à l'initiative de ce spectacle qui procède d'une adaptation, considère qu'il s'agit d'un nouveau concept dramaturgique qu'il qualifie de "théâtre-fusion" qui ne manquera pas d'interpeller tout passionné de théâtre.

Donc, à vous de voir.