Avec ce "Coup de Griff", qui n'est pas anodin puisque ladite "griff" est le sigle d'une multinationale de vente particulièrement offensive, Momoko et Bernard Fructus réussissent une remarquable comédie drôle et réaliste qui fait rire avec des sujets des sujets contemporains plutôt graves et inquiétants tels la société Big Brother, la quête du bonheur à tout prix, le consumérisme, l'omnipotence des firmes économico-financières et une nouvelle forme d'esclavage, l'esclavage consenti d'une nouvelle classe sociale défavorisée, celle des femmes originaires de pays en difficulté.
En effet, il s'agit de la version "comédie" du drame socio-économico-politique manière Jean-Charles Massera sur l'invasion tentaculaire des multinationales dans notre quotidien le plus intime qui a pour credo normalisation, instrumentalisation et hypermondialisation.
Dans ce monde impitoyable où tout est à vendre même l'humain, Bernard Fructus campe avec un naturel époustouflant le prototype du commercial dont l'agressive stratégie de vente, de la séduction à la manipulation, ne s'embarrasse pas d'états d'âme pour rester numéro un de son secteur.
Et ce pitbull, comme il aime ce surnommer, sait choisir ses victimes et futurs clients, en l'occurrence un brave gars en plein divorce dont il connaît tous les goûts, interprété avec justesse par Christian Lucas, à qui il veut fourguer une technicienne de compagnie, en autres termes une femme sur mesure choisie sur catalogue garantie pièces et main d'œuvres avec SAV inclus.
Mais le bonhomme résiste et le produit qui lui est destiné, une ravissante et docile asiatique, la délicieuse Momoko, leur réserve quand même quelques surprises.
Rondement menée dans une mise en scène tonique de Christophe Luthringer, la pièce de format court, en une heure tout est astucieusement plié, a comme atout la concision - pas le temps de délayer ni de s'ennuyer - et le dosage bien tempéré du comique, de l'absurde et du délire qui part en vrille, saupoudré d'une pointe d'ironie, mordante bien évidemment, et sous-tendu d'une esprit résolument farcesque.
Car mieux vaut en rire qu'en pleurer en attendant que le ciel nous tombe sur la tête…