Tragédie d'Euripide, mise en scène de Laurent Fréchuret, avec Thierry Bosc, Jean-Louis Coulloc’h, Takumi Fukushima, Catherine Germain, Dominique Lentin, Mireille Mossé, Jean-François Pauvros, Martin Selze et Zobeida.
Dans ses notes d'intention, Laurent Fréchuret qui monte "Médée" d'Euripide, indique qu'il s'est délibérément affranchi du caractère prégnant du personnage de Médée l'infanticide pour extraire de cette gangue anecdotique, qui prévaut dans l'inconscient collectif, la figure, certes tragique, qui change d'humanité en se métamorphosant au prix d'actes épouvantables en héroïne mythique affranchie des lois humaines.
Pour lui, "Médée effectue l'acte inouï
de s'accoucher elle-même, de changer de forme pour survivre
et se venger de Jason, l'homme qui l'a abandonné, qui
a quitté son lit, sa maison, son corps, laissant un vide
impossible". Et la vengeance de cette femme, épouse
répudiée, mère d'enfants reniés
par leur père soucieux de sa liberté pour convoler
en d'autres noces et soumise à l'exil, qui est fille
de roi, petite fille du Soleil et nièce de la magicienne
Circé, ne peut qu'être terrible.
Une vidéo, telle un film d'amateur, introduit la représentation avec le film du bonheur simple des jours heureux d'une famille unie. Mais les histoires d'amour finissent mal en général et celle de Médée ne déroge pas à la règle.
A ces images heureuses suivront les plaintes déchirantes d'une bête blessée, au plus profond du désespoir, anéantie par la trahison de Jason, envahie de pulsions de mort, qui va se vider de toute humanité pour se muer en arme de vengeance ultime et à double tranchant
Pour porter ce rôle, dans une traduction très contemporaine et accessible de Florence Dupont, il a trouvé une perle rare. Entourée de Jean-Louis Coulloc’h (parfait pitoyable et infatué Jason), Mireille Mossé (étonnante nourrice), Zobeida (détonante choryphée), Thierry Bosc (le roi) et Martin Selze (le précepteur), Catherine Germain, magnifique et sublime.
Elle investit ce rôle surhumain avec une foi, un talent et une puissance d'incarnation incontestables sur lesquels reposent toute la réussite de ce spectacle magnifiquement orchestré par Laurent Fréchuret.
Le terme "orchestré" trouve d'ailleurs un juste emploi dans ce spectacle totalement maîtrisé et bienvenu dans lequel une partition musicale originale, exécutée en direct par trois musiciens, Dominique Lentin, Jean-François Pauvros et Takumi Fukushima installés dans des fosses en front de scène, anticipe, scande et soutient le déroulement tragique de l'intrigue dont la partie immergée se déroule dans une maison vide réduite à une ossature en bois à claire-voie, métaphore du cœur de Médée.
Ce décor, conçu par Stéphanie Mathieu, bénéficie de très belles lumières de Franck Thévenon qui interviennent en totale symbiose non seulement avec le propos originel mais également avec la parti pris du metteur en scène qui signe une réalisation enthousiasmante.